Au début du second volume de sa thèse,
chapitre 5 : De Cobra à l’I.S. :
Asger Jorn et la constitution d’une avant-garde artistique internationale, Eric
Brun se pose la question de savoir « comment et pourquoi plusieurs
peintres en viennent à s’allier à cet agent tout à fait marginal qu’est l’I.L.
/ Guy Debord » ; et plus précisément : « Quel intérêt
pouvait avoir Asger Jorn, ce peintre danois actif depuis les années 1930, à s’allier
à quelqu’un comme Debord, jeune artiste théoricien quasi inconnu et, au
demeurant assez peu disposé à accepter de (donner l’impression de) se
“compromettre” dans un “commerce” artistique ? » (On fera remarquer
que Debord peut difficilement être considérer comme un artiste ; Constant
dira de lui : « Je crois que Debord n’était pas très créatif, ni
écrivain, ni cinéaste ; il n’était pas un véritable artiste ; il
était plutôt philosophe, penseur. ») C’est ce que nous allons voir.
Après un historique détaillé du parcours artistique
de Jorn et de ses multiples méandres, on en arrive à la période qui nous intéresse,
celle des conditions qui ont menées à la fondation de l’I.S. Eric Brun écrit :
« Jorn […] incline vers un mode d’intervention dans les luttes artistiques
qui consiste à opérer un vaste rassemblement d’artistes, fédérés autour d’un
écrivain francophone, mais si possible qui ne vienne pas réduire l’expression
proprement picturale. Dans les années 1953-1957, au moment de la construction
de l’alliance avec Debord, il s’agit toujours pour lui de créer et d’animer des
regroupements internationaux d’artistes avec l’aide d’un écrivain ou groupe d’écrivains.
C’est qu’il “repart de zéro” en 1963 :
Jorn est attaché à se relancer dans les luttes artistiques internationales
après une longue période de mise à l’écart (en 1951n le mouvement Cobra auquel
participait Jorn disparaît, et Jorn lui-même doit se faire soigner pour une
grave tuberculose qui l’éloigne des luttes artistiques jusqu’en 1953). Ainsi,
au moment où les premier contacts s’établissent aven l’I.L. (1954) et où l’alliance
se renforce (1956), Jorn reste un “entrant” dans le champ artistique français
comme dans la plupart des espaces artistiques nationaux. »
Il apporte les précisions suivantes : « Il
convient de noter enfin la particularité des formes d’alliance établies par
Jorn dans les années 1953-1954 (avant la fondation de l’I.S. Caractéristiques
des regroupements de peintres, elles se différencient quelque peu du modèle du
groupe d’avant-garde organisé au profit d’un modèle de “réseau” : les
alliances auxquelles participe Jorn à ce moment-là prennent la forme d’échanges
entre structures composées d’agents inscrits en premier lieu dans le champ artistique
(en tant que peintre ou critique d’art), soit ancien membres de Cobra, soit
artistes qui se placent vers un créneau artistique analogue, structures alors
marquées par leur souplesse (elles autorisent des appartenances multiples) et
souvent identifiées à une personne en particulier. »
(À suivre)
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