samedi 30 juin 2012

En marge de : Debord à Venise / 5


Revenons pour finir au « couple » Debord / Vaneigem tel qu’il a fonctionné au sein de la « structure fraternelle » ; et à la manière dont leur aventure s’est (mal) terminée. On remarquera que Vaneigem en qui Debord avait trouvé un quasi « frère jumeau » au sein de l’I.S. n’est jamais évoqué directement dans In girum. C’est qu’il aura démérité lors de « l’assaut final » dans lequel l’avant-garde situationniste a disparue. Depuis lors, il n’existera plus pour Debord — un des rares jugements qu’il portera sur lui sera pour dire que tout ce qu’il a écrit après l’I.S. était nul. Et Vaneigem de son côté se refusera à porter nommément un jugement sur Debord — les seuls propos (venimeux) dirigés contre celui-ci, dans son Livre des Plaisirs, le seront de façon allusives ; à l’exception peut-être de celui-ci où, fustigeant « la fonction intellectuelle comme seule forme d’intelligence », il termine sa péroraison par : « Elle fait de l’émancipation le pauvre débord d’un pitoyable refoulement. », où il est difficile de ne pas voir qui est visé.

Dans Le Chevalier, la dame, le diable et la mort, il écrit, parlant de sa relation avec Debord : « Fondée sur l’exubérance éthylique et la rigueur de pensée, notre amitié unissait, à la façon des hexagrammes du Yi-King, l’humidité et la sécheresse. Debord rêvait d’un admiration sans admirateurs. Ceux qui l’encensaient l’irritaient, il les méprisait de ne rien tenter qui leur épargnât de se faire adouber. / Notre adhésion à la conception arthurienne d’un table ronde circonscrivait à un diamètre identique les velléités de pouvoir toujours prêtes à s’exacerber et à à appliquer leur mesure secrète la où notre éloquent refus des hiérarchies eût interdit toute intrusion. » ; et il ajoute, faisant bonne mesure et preuve de lucidité : « Certains d’entre nous étaient plus égaux que d’autres, nous le savions. » On ne peut pas en dire autant de la suite ; à propos de l’évolution de l’I.S., il écrit : « Avant de tourner à la fièvre obsidionale, l’idée du groupe en péril nous garda en solidarité et cohérence. Elle justifia l’exclusion des artistes, soucieux de hanter le marché avec le spectre du situationnisme, des opportunistes, des mystiques, des politiques. » — c’était, parlant des artistes, faire bon marché d’Asger Jorn dont la côte ne s’est jamais démentie. Vaneigem poursuit sa justification pro domo qui est en même une justification de son « frère » : « Ce n’est pas que, entre Debord et moi, l’amitié se fût refroidie. Nous avions toujours campé sur les glacis de l’intellect, où la chaleur humaine ne s’attarde guère. » La mort de Debord ne lui inspirera que ces propos nostalgiques assez convenus : « À l’annonce du suicide de Guy Debord, les évocations qui me vinrent en mémoire furent nos beuveries dans les bistrots de Beersel où, savourant la gueuze, nous distillions, avec alcool, l’idée d’une société radicalement nouvelle. Au moins nous sommes-nous avinés joyeusement d’un rêve qui, en abandonnant le passé à ses inconséquences, deviendra réalité. Je m’obstinerai à n’en pas douter. » Salute !


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