Les citations qui suivent sont toutes tirées
du chapitre : Correspondance avec le
MAUSS d’Hécatombe de Jean-Pierre
Voyer, Éditions La Nuit.
D’entrée de jeu Voyer, qui a sollicité Alain
Caillé par courrier, répond à la lettre de celui-ci en mettant les points sur
les i : « Je ne prétends pas
que l’économie est d’essence religieuse. Je prétends tout simplement qu’elle
n’existe pas. » ; il termine en précisant : « Je dois encore signaler que je préfère des
universitaires sérieux dans leur spécialité à la nullité prétentieuse et
impuissante de membres de mon parti qui se bornent à psalmodier des
incantations. » — c’est Debord
qui est visé au premier chef. Dans la lettre suivante Voyer poursuit « l’instruction »
de Caillé : « J’affirme que la
logique marchande a le même principe (la communication) que la logique des
sauvages et aussi le même but (la richesse, la divinité). / Je ne vois pas quel
risque il y aurait de dissoudre la spécificité de la société moderne
(marchande) dans la généralité anthropologique. Au contraire, que je sache,
aucune société sauvage ou même antique n’est marchande. Tous éminents marchands
qu’aient été les Athéniens, leur cité État n’en était pas pour autant
marchande. Affirmer donc que la logique marchande est la réalité de notre
monde, c’est affirmer avec Marx, la spécificité de ce monde. » ;
et dans celle qui suit : « Aucun
monde n’est plus intensément magique, fantastique que celui de la marchandise,
aucun monde n’est plus préoccupé de la communication. Ce monde est fétichiste.
Ce monde est donc africain. »
Dans ses Remarques sur le Bulletin du MAUSS
n°3, Voyer écrit : « Serge
Latouche n’ose pas dire que l’économie n’existe pas du tout. Il se contente de
nier son autonomie (ce qui est déjà un crime, il faut bien le reconnaître) et
d’affirmer que c’est “l’ensemble des pratiques culturelles qui leur donnent sa
signification et donc son existence sociale”. / Notre position est que le prétendu “économique” est lui-même une
pratique culturelle comme une autre. » Dans sa Critique de l’article
de Serge Latouche « Marchand, non-marchand », Bulletin de MAUSS n°7,
Voyer se rebiffe : « Latouche
ose écrire que “ce qui émerge avec l’instauration du pouvoir bourgeois, c’est
l’ajournement infini de la réalisation : l’argent tient son sens qu’à ne
plus être dépensé !”. On croit rêver ! Où donc se trouve l’université
où enseigne Latouche ? Sur la lune, ou plus loin encore. Or la seule
manière d’utiliser l’argent pour faire plus d’argent est de le dépenser comme
le sait bien tout capitaliste et comme le répète Marx pendant deux mille deux
cents pages. » Latouche répond : « L’économie existe-t-elle ou non ? J.-P. Voyer revient à plusieurs
reprise sur l’idée que l’économie n’existe pas. Le débat aurait quelque
intérêt, si je soutenais la naturalité, l’universalité ou la transhistoricité
de l’économie, mais comme au contraire sur tous ces points mes critiques vont
au moins aussi loin que les siennes, la querelle me paraît purement verbale. »
Ce qui, évidemment, n’eut pas l’heur de plaire à Voyer qui va procéder au
dézingage en règle du pauvre Latouche, qui avait certainement eut tort de
s’attendre à une disputatio, et qui
devant la furia voyerienne préféra
rendre les armes.
Comme on le voit les positions de Caillé et
Latouche (et celles de Jappe aussi bien) sont loin d’être incompatibles avec
celles de Voyer ; mais le problème est que Voyer prétend produire quelque
chose d’absolument inouï. Il ne peut donc absolument pas entendre quelqu’un lui
dire que « [ses] critiques vont au
moins aussi loin que les siennes ». Il ne veut pas dire la
même chose que Louis Dumont dont il a dû lire Homo aequalis I, Genèse et
épanouissement de l’idéologie économique en 1977, avant de découvrir que l’économie
n’existait pas ; mais il veut bien que François Fourquet – autre MAUSS – qui dit la même chose que Dumont, dise la même
chose que lui puisqu’il l’a lu après. Il est le génial l’inventeur
de : « l’inexistence de
l’économie » et il veut qu’on le reconnaisse comme tel ; enfin, il
veut qu’on l’approuve. Ce « débat » avec le MAUSS est la première
et la dernière tentative de ce genre qu’il fera.
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