Il
y a quelque temps les prolifiques éditions Allia publiaient Vie, Poésie et Folie de Friedrich Hölderlin* de
Wilhelm Waiblinger. Il s’agit d’un témoignage sur la « folie » du
poète qui mourra à Tübingen, après plus de trente ans de réclusion, dans la chambre
qu’il occupait chez le menuisier Zimmer. Si c’est certainement une bonne chose
d’avoir donné une traduction de ce texte, il n’en reste pas moins que ce qui
est présenté comme un témoignage, indépendamment du fait qu’il est entaché d’erreurs,
est sujet à caution. Il manque donc à cette édition une Notice qui situe les
conditions et les raisons pour lesquelles Waiblinger a écrit ce « témoignage ».
Avec l’aide de Pierre Bertaux à qui l’on doit l’indispensable biographie intitulée :
Hölderlin ou le temps d’un poète**,
je me propose de pallier cette regrettable lacune.
Pierre
Bertaux écrit de Waiblinger qu’il « a réussi une carrière d’écrivain
romantique aux frais de Hölderlin et de sa réputation » et qu’« [i]l a
en quelque sorte parasité Hölderlin ». Il ajoute : « Mais comme
son témoignage est l’un des très rares qui nous restent, qu’il donne de
nombreux détails, il importe de l’exploiter à fond, avec la prudence requise. »
« Waiblinger
a passé cinq ans, de 1822 à 1826, à Tübingen comme pensionnaire du Stift. Il s’en
est fait mettre à la porte pour “négligence dans ses études, désordre dans sa
vie privée et inconduite”. Il n’a […] rencontré Hölderlin que pendant les
dix-huit premiers mois de son séjour, et l’a vu moins d’une dizaine de fois. /
Pourquoi a-t-il cessé de la voir ? Parce qu’il en avait tiré tout ce qu’il
en attendait : la substance d’un roman grâce auquel il comptait se rendre célèbre,
et accessoirement une relativement brève biographie de Hölderlin, qui contient
nombre d’erreurs. » Pierre Bertaux poursuit : « […] Impécunieux,
Waiblinger [qui veux aller vivre à Rome] à l’idée d’offrir à un éditeur
allemand, naturellement moyennant finance, une “Vie de Hölderlin”. Il l’appâte en
promettant une description savoureuse de la “folie de Hölderlin”. […] / Voilà
dans quelles conditions, après avoir vu Hölderlin huit ou neuf fois et avec un
recul de cinq ans, sans autre document que ses souvenirs, pressé par le besoin
et poussé par le soucis d’écrire un ouvrage qui se vende, Waiblinger rédige l’opuscule
qui servira de base a tout ce qui s’est dit et se dit encore sur la folie de Hölderlin.
/ […] / C’est à partir du texte de Waiblinger que la légende romantique du
“poète frappé de démence” va se répandre, s’amplifier, s’orner, faire figure de
vérité historique jamais remise en cause. »
________________
*
Wilhelm Waiblinger, Vie, Poésie et Folie
de Freidrich Hölderin, Allia (2010).
**
Pierre Bertaux, Hölderlin ou le temps d’un
poète, Gallimard (1983).
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