jeudi 29 août 2013

Lectures – Autour de Hölderlin (suite)



Via Pierre Bertaux, toujours — et Stefan George.

Bertaux écrit, après avoir évoqué l’étoile longtemps éclipsée de Hölderlin :

« Il faudra attendre jusqu’à la Première Guerre mondiale pour que s’esquisse une renaissance hölderlinienne. Elle se produit dans un cénacle très fermé, de poètes, de critiques qui se réunit autour du poète rhénan Stefan George. Mus par une altière ambition, ils forment comme un ordre mystique : les Templiers des temps modernes. Il s’y élabore une spiritualité nouvelle, dans le sens d’une recherche de noblesse humaine. Une sorte de paganisme ascétique, une exigence de style les inspire. […] / Or pour ce cénacle le nom de Hölderlin servait de mot de passe secret, de signe de ralliement. Dans un recueil poétique paru en 1913, à la veille de la guerre, intitulé L’Étoile de l’alliance (Der Stern des Bundes), Stefan George entend donner à la société nouvelle qu’il institue ses Tables de la Loi : mille vers, cent poèmes distribués selon une arithmétique secrète. Le nom de Hölderlin n’y figure pas ; aucun nom d’ailleurs. Mais le poème de la page 100, neuf vers, comporte un acrostiche : le premier vers débute par un H, la seconde lettre du second vers est un ö, la troisième lettre du troisième vers un l, la quatrième du quatrième un d, et ainsi de suite : HÖLDERLIN. Quand un initié l’a fait remarquer à Stefan George, il s’est contenté de ne pas démentir. / Quelque années après, à l’occasion de la Première Guerre mondiale, en 1919, posait en principe que le message prophétique de Hölderlin était la pierre angulaire du destin allemand. »

 




Voilà le poème* en question où le nom de Hölderlin est inscrit sans être prononcé :

[H]ier schliesst das tor : schickt unbereitet fort.
T[ö]dlichh kann lehre sein dem der nicht fasset.
Bi[l]d ton und reigen halten sie behütet
Mun[d] nur an mund geht sie als weisung weiter
Von d[e]ren fülle keins heut reden darf ..
Beim e[r]sten schwur erfuhrt ihr wo man schweige
Ja deut[l]ischsten verheisser wort für wort
Der welt d[i]e ihr geschaut und schauen werdet
Den hehre[n] Ahnen soll noch scheu nictt nennen.

Ici fermez le portail : renvoyez qui n’est pas prêt.
Doctrine peut être mortelle à qui ne saisit.
L’image le son et la ronde la préservent
De bouche à bouche elle se transmet directive
Dont personne ne doit évoquer la plénitude ..
Le premier vœu vous appris le seuil du silence
Même celui qui mot pour mot a annoncé
Le monde que vous avez vu que vous verrez
Une pudeur ne doit nommer l’auguste Ancêtre.


__________________

* Stefan George, L’Étoile De L’Alliance, Le Fleuve et l’Écho / Éditions de la Différence.
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire