Après l’apothéose – Notes à l’usage des debordolâtres / 2

On pourrait objecter que dans le cas de Debord on ne peut pas faire ce genre de séparation puisque, aussi bien, il s’est toujours présenté, avec un sens certain de la provocation, comme quelqu’un d’exemplaire, d’entier, et d’impénitent, satisfait de ses vices comme de ses vertus, et qui n’avait nulle raison de vouloir se réformer en quoi que ce soit. C’est ainsi qu’il a placé en exergue de son Panégyrique, cette définition du Littré : « Panégyrique dit plus qu’éloge. L’éloge contient sans doute la louange du personnage, mais n’exclut pas une certaine critique, un certain blâme. Le panégyrique ne comporte ni blâme ni critique. » Plus généralement, on peut dire que cette séparation, pour pratique et courante qu’elle puisse être, est malgré tout quelque peu arbitraire puisqu’on a toujours affaire, lorsqu’on veut juger quelqu’un, à un individu qu’il faut bien prendre en bloc. Voyer, par exemple, dit de Céline : « Génial parce qu’antisémite ; antisémite parce que génial. » — mais Voyer a toujours eu le sens de la démesure et de l’outrance. Debord en a fait les frais — non sans raison, il faut aussi le dire. Quelqu’un qui avait pu se comporter avec lui comme il l’avait fait ne pouvait en aucun cas, de son point de vue, être le génial théoricien révolutionnaire qu’on a célébré à la BnF : ce n’était donc qu’un plagiaire doublé d’un imposteur.

Nous laisserons ses jugements définitifs à Voyer. S’agissant de Debord, si c’était un imposteur, c’était un imposteur qui a réussi — ce qui peut bien forcer le respect. Il faut cependant noter que Debord a joué lui-même avec cette idée d’imposture de façon assez ambiguë. Comme on peut s’en rendre compte à la lecture de l’un des rares inédits intéressant présenté à la BnF. Il s’agit d’un pamphlet que Debord a finalement renoncé à faire publier — il était d’ailleurs resté à l’état d’ébauche. Il se serait intitulé : Les Erreurs et Échecs de M. Guy Debord par Un Suisse impartial. Nous en donnerons ici quelques extraits choisis que nous commenterons.

(À suivre)