« In
girum imus nocte et consumimur igni. » D’entrée de jeu le palindrome
donne le fin mot d’une l’histoire qui s’écrit au passé : « C’était à
Paris […] » ; en même temps que la forme éternelle dans laquelle elle
s’inscrit : celle du cercle. Mais cette circularité ne signifie en rien le
retour du même parce que si « tout s’écoule à la fois, les événements et
les hommes » ; tout s’écoule tout le temps. Elle implique ainsi le temps en
elle-même dans son développement spiralé qui permet à Debord de revenir de
loin après le long voyage. L’évocation forcément nostalgique de ce « moment
parfait » est magnifiée sous l’aspect des aventures héroïques d’une « nouvelle
chevalerie » dont le modèle est celle qui fait l’objet du cycle de la
table ronde à laquelle s’identifie la petite « société secrète »que
forme l’internationale lettriste — qui est elle-même identifiée à un certain
milieu : « l’intraitable pègre, le sel de la terre ». C’est de
tout cette complexité qu’il faut rendre compte si l’on veut véritablement pénétrer
cette histoire qui est en fait un emboitement d’histoires qui se situent à
différents niveaux du temps et de l’espace — comme dans le Roland Furieux de l’Arioste où dans La Quête du Graal. Ce qui vaut pour cette première époque à Paris
vaut pour la seconde et la troisième respectivement situées à Florence et à
Venise.
Le premier exploit du « héros »
abordé est la projection agitée de Hurlements
en faveur de Sade à travers une longue citation qui se conclut par : « Nous
vivons en enfants perdus nos aventures incomplètes. » Elle se prolonge avec
une brève séquence tirée d’un autre des « grands films » de Carné
utilisés par Debord : Les Enfants du
paradis. On y voit : « Au
balcon d’un théâtre, la foule indignée [qui] scande : “Le rideau !”. » ; ce qui renvoie au
scandale de la première projection du film de Debord. Il faut remarquer que ce
détournement en inverse le sens :
dans Les Enfants du paradis le public
veut que le rideau se relève pour que le spectacle reprenne.
Suit un « portrait de l’artiste en vieux
bandit » impénitent. On voit pour la première fois la photo au miroir :
« Debord à quarante-cinq ans. »
qui réapparaîtra vers la fin du film. Ce portrait est illustré par une séquence
des Enfants du paradis où Lacenaire
fait lui-même le sien à Garance ; il est introduit par le commentaire en
voix off de Debord : « On a
beau dire : “Il a vieilli ; il a changé” ; il est aussi resté le
même. » qui cite Pascal. La séquence avec Lacenaire est la quatrième d’une
série sur le thème, cher à Debord, des « voyous » et des « assassins »,
qui renvoie aux lettristes internationaux ; plus directement et
ironiquement évoqués dans la scène du Café des Poètes de l’Orphée de Cocteau où ils faisaient de la figuration. Le nom
lui-même de « Lacenaire, bandit lettré »,
est cité par Debord, dans le commentaire qui accompagne le second extrait des Enfants du paradis, comme l’une des figures
majeurs dans lesquelles ceux-ci se reconnaissaient, avec « Arthur Cravan, déserteur de dix-sept nations ».
Le premier de ces extraits : « Quelques
plans de la foule sur le Boulevard du Crime, reconstitué pour “Les Enfants du Paradis” »
sert d’illustration introductive à la description du Quartier (latin).
(À suivre)
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