Commence alors un Discours sur la guerre que
Debord a menée avec ces braves et où beaucoup ont disparu. « C’est là que
nous avons acquis cette dureté qui nous a accompagné dans tous les jours de
notre vie ; et qui a permis à plusieurs d’entre nous d’être en guerre avec
la terre entière, d’un cœur léger. […] » ; cette phrase du
commentaire coïncide avec le début d’une des séquences filmées à Venise :
« Travelling sur l’eau, tout au long
des murs de l’Arsenal de Venise. » qui se déroule longuement pendant
le commentaire se poursuit. On peut se souvenir qu’au-delà de l’Arsenal, de
l’autre côté de la lagune, se trouve l’île de San Michele qui est le cimetière
de Venise.
Après une introduction justificative,
commence le récit des opérations qui ont été menées sous sa direction :
« La première phase du conflit, en dépit de son âpreté, avait revêtu de
notre côté tous les caractères d’une défensive statique. […] » À l’écran, la
séquence finale d’un film de Raoul Walsh : They died with their boots on (La
Charge fantastique) qui montre le massacre des troupes de Custer par les
nations indiennes coalisées sous la direction de Crazy Horse : « Le
régiment de Custer, formé en cercle, reçoit à coups de carabines les assauts
successifs des indiens qui le cernent. Ses combattants tombent l’un après
l’autre. À la fin les indiens submergent la position et exterminent les
défenseurs. » Cette circularité mortelle qui les enferme est la cause
de leur perte. C’est de n’avoir pas su — ni pu — la rompre que Custer et ses
homme sont morts. Mais s’enfermer dans un petit cercle — le cénacle des lettristes
internationaux — peut être protecteur, dans un premier temps ; mais arrive
celui où il faut rompre le cercle : « […] au lieu de se retrancher
dans l’émouvante forteresse d’un instant, se donner de l’air, opérer une
sortie, puis tenir la campagne, et s’employer tout simplement a détruire cet
univers hostile, pour le reconstruire ultérieurement, si faire se pouvait, sur
d’autres base. […] » Ce sera le temps de l’Internationale situationniste
qui battra la campagne avec quelques succès partiels avant de disparaître* à
son tour.
Prend alors place l’hommage longtemps différé
à celui qui fut pour Debord plus qu’un compagnon d’arme, un frère : Ivan
Chtcheglov alias Gilles Ivain,
« […] celui qui en ces jours incertains, ouvrit une route nouvelle et y
avança si vite […] » Frère bientôt perdu, il sera relégué à la périphérie
d’une aventure dont il fut pourtant l’un des principaux initiateurs. Ce
portrait de Chtcheglov est essentiellement illustré de vignettes tirées de la
bande dessinée d’Harold Foster, par exemple : « Prince Vaillant et un autre déguisés. “À l’intérieur de la cité pèse le
lourd silence d’u peuple malheureux.” […] » ; « Prince Vaillant passe devant des incendies. »
Ou encore : « […] Un homme cheminant
à pied. : “Cependant un vagabond au
visage hagard s’approche de la taverne, porteur de nouvelles stupéfiantes (La
semaine prochaine : Rome est tombée)”. » On peut entendre là comme
un écho et une annonce de la chute de Paris — et encore au-delà celle plus
ancienne d’Ilion — qu’il faudra abandonner aux mains de l’ennemi, après une
ultime bataille, avant de prendre la route de l’exil. Mais, c’est d’un autre
exil, plus dur encore, et dont il ne reviendra jamais que connaîtra le « prince
vaillant » à la dérive : « […] un jour malheureux le plus beau
joueur parmi nous se perdit dans les forêts de la folie. […] »
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* Le problème de la quadrature du
cercle : « C’est en vain que se forma le dernier carré des
situationnistes, l’ennemi était au milieu. » (Jean-Pierre Voyer, Le jugement de dieu est commencé in Revue de Préhistoire Contemporaine.)
(À suivre)
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