Mais revenons au Terroriste. Une première séquence de ce film prend place en amont,
pendant l’évocation de la jeunesse désœuvrée
du quartier. Le commentaire dit : « […] là était tout ce que nous
aimerions jamais. Le temps brûlait plus fort qu’ailleurs, et manquerait. On
sentait la terre trembler. » À l’écran, un « conspirateur vénitien » et sa « compagne ». Il faut s’arrêter sur le film de De Bosio.
L’utilisation qu’en fait Debord va au-delà de la citation, même
détournée ; elle implique le
film dans sa totalité — qu’il faut donc examiner. Celui-ci raconte l’histoire
d’un petit groupe de partisans dans une Venise occupée par l’armée du Reich. Le
rapprochement avec l’action des situationnistes s’impose. Debord, quant à lui,
peut être identifié à l’« ingeniere »
du film qui organise et dirige les actions terroristes contre les troupes d’occupation
— le court extrait : « Travelling
sur l’eau dans un canal très étroit de Venise. » précédemment
mentionné montre une l’embarcation qui achemine des explosifs vers le lieu d’un
attentat.
Dans ce cas aussi, il est nécessaire de
remettre les choses à l’endroit : les « terroristes » sont en
fait des résistants — Debord dira qu’en Italie, on lui a fait une
« réputation de terroriste ». L’identification de Debord à l’« ingeniere », figure centrale cette « armée
des ombres », ramène au Diable qui fait une apparition à travers un nouvel
extrait des Visiteurs du soir où on
le voit qui retourne d’un seul coup la situation dans une partie d’échecs mal
engagée : « […] Echec et mat. Vous avez gagné. C’est simple les
échecs. » Suivent deux autres scènes du même film qui se situent
chronologiquement avant la précédente. Dans le premier, on voit les
« émissaires du diable » à cheval : « Gilles et Dominique vont vers le château où ils porteront le trouble,
sur la musique de leur chanson : “Tristes enfants perdus”. » ;
le second montre « Dominique et
Gilles, la nuit dans le château : “Les autres nous aiment ; ils
souffrent pour nous ; nous les regardons ; nous nous en allons. Joli
voyage, le diable paye les frais.” » Cette scène renvoie au couple (libertin
et manipulateur) que Debord formait avec Michèle Bernstein. On remarquera qu’il
n’est jamais directement fait mention de celle-ci dans le film. Debord se
contente de montrer la photo d’une plaque de rue : « L’Impasse de Clairvaux » où ils ont
habité ; le commentaire dit : « […] Paris, où l’on pouvait si
bien passer inaperçu, était encore au milieu de tous nos voyages, comme le plus
fréquenté de nos rendez-vous. […] » La seule fois où elle apparaît, vers
la fin du film, c’est sur une photo de groupe de la série Love on the left bank de Ed van der Elsken où elle tient Éliane Papaïa,
à laquelle elle donne du feu, sur ses
genoux : « D’autres amies du
temps passé. »
(À suivre)
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