Cet éloge prend les allures d’un panégyrique
qui ne supporte « ni blâme, ni critique » : « Je n’ai
jamais trop bien compris les reproches qui m’ont souvent été fait, selon
lesquels j’aurais perdu cette belle troupe dans un assaut insensé, ou par une
complaisance néronienne. […] » Mais In
girum est aussi un Panégyrique
avant la lettre.
Le film peut alors passer à la seconde époque.
Paris tombée aux mains de l’ennemi : voici Florence. « Après cette
splendide dispersion, j’ai reconnu que je devais, par une soudaine marche
dérobée, me mettre à l’abri d’une célébrité trop voyante. […] » À l’écran
un extrait du Terroriste :
« Un homme passe au croisement de
rues désertes, à Venise. » Allusion à la « célébrité, clandestine
et mauvaise » revendiquée par Debord et indication de la prochaine étape ;
peu avant le black-out qu’il va
imposer au spectateur : « Carton :
“Ici les spectateurs, privés de tout, seront en outre privés d’image.” »
Le commentaire poursuit — « L’ÉCRAN RESTE NOIR. » — par une
« justification » de Debord sur sa conduite exemplaire. Il s’achève sur
l’annonce qu’In girum sera son dernier film : « Le résultat
de ces recherches, et voilà la seule bonne nouvelle de ma présente
communication, je ne le livrerais pas sous la forme cinématographique. »
Comme c’était le cas pour Paris, Florence est
principalement montrée à travers des photos aériennes qui permettent la vue
panoptique : le regard de haut et de
loin ; et une reproduction d’un panorama de la Fiorenza du
Quattrocento. Cette évocation n’oublie pas les « amoureuses », grandes
ou petites : « Alice et
Céleste. » ; « Céleste
nue. » ; et « Une
Florentine. » qui lui est l’occasion de convoquer Dante :
« “Chacune est citoyenne d’une véritable cité, mais tu veux dire celle qui
a vécu son exil en Italie.” »
Mais le temps marche vite. Florence ne sera
qu’une brève station sur le chemin de l’exil : « Et moi aussi, après
bien d’autres, j’ai été banni de Florence. » — on revoit « [l]e visage de Céleste », puis « d’autres filles dévêtue ». Comme
dans le film de Visconti, Venise se profile à l’horizon dans une lumière
crépusculaire : terminus. Le commentaire
dit : « De toute façon, on traverse une époque comme on passe la
pointe de la Dogana, c’est-à-dire plutôt vite. » La pointe de la Dogana, c’est
aussi la pointe de la Salute que l’on voit longtemps à l’écran. Au-delà, ce sont des « eaux inconnues » ; qui
deviendront, à la fin d’In girum,
cette « grande étendue d’eau vide »
comme un miroir où plus rien ne se reflète ; et sur laquelle s’inscrit :
« À reprendre depuis le début. »
Le bateau affrété par Debord qui traverse tout le film se dirige à présent vers
l’Arsenal qui, une fois contourné, le mènera à sa destination : « l’Île
des Morts ».
(À suivre)
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