C’est donc au milieu des « ruines »
que Debord revient pour raconter son histoire : Paris a cessé d’exister On
ne verra la ville qu’à travers des reconstitutions cinématographiques ;
des photos aériennes et une maquette filmées au banc-titre ; de vielles
photos recyclées, souvent recadrées, tirées de ses premiers courts-métrages. L’aventure
est morte : que sont les « beaux enfants » devenus ? Cette
évocation de Paris et de la jeunesse est un chant funèbre : une élégie ou
un tombeau, pour employer des termes
musicaux. On pourrait dire plus généralement d’In girum que c’est une fugue*.
Mais l’exposition du thème par la voix de Debord restera sans réponse autre que
celle qu’il apporte lui-même, seul « sujet important » de
l’œuvre : il n’en reste qu’un et il est celui-là — puisqu’aussi bien tous
les autres, d’une manière ou d’une autre, ont disparu.
Fugue : fuite, exil. « Seigneur,
je suis de l’autre pays. » Il y avait un but : « Il faut
construire l’hacienda. » Mais le chemin ne menait nulle part. Il était à
lui-même son propre but : « C’est une marche qui a beaucoup durée. »
Le jeune Debord avait écrit à Hervé Falcou : « Nous irons plus loin
sans jamais avancer. » Qui refusa d’entrer dans un jeu dont la seule règle
énoncée était : « Rien n’est vrai ; tout est permis. » — et
où pour finir le diable rafle tout, « joueurs, dés et tapis vert ». Il
en a trouvé d’autres qui ont bien voulu être de la partie. C’est leur histoire qu’il
va maintenant raconter dans cette première époque.
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* « Forme de composition à plusieurs
parties, entièrement basée sur le principe de l'imitation et dans laquelle un
thème principal du sujet, et un ou plusieurs thèmes secondaires, ou
contre-sujets, semblent fuir sans cesse de voix en voix. La fugue est issue du
canon, qui portait en effet, à l'originelle titre de fuga, et qui, par
le résultat d'une longue préparation historique à laquelle ont surtout
efficacement contribué les grands organistes du XVIIe siècle, à été
transformé et organisé en un style plus riche, dont l'austérité même est un
élément de beauté et qui comporte, sous la rigueur d'un plan général à peu près
immuable, des possibilités d'invention illimitées. »
Marie Bobillier, Dictionnaire pratique et historique de la musique (1926).)
« FUGUE, du latin fuga, fugue, parce que
les parties, partant successivement, semblent se fuir et se poursuivre l’une
l’autre. […] Anciennement ce qu’on appelait ainsi, fuga, fugue, n’était
autre chose qu’un canon rigoureux, c’est-à-dire une imitation contrainte d’un
bout à l’autre. […] [L]a réponse de
la fugue, c’est-à-dire le même sujet repris par une autre partie à la quinte ou
à la quarte, répétait intervalle par intervalle et uniformément le mouvement du
premier sujet entendu. […] / Les diverses parties de la fugue sont le sujet, le
contre-sujet, la réponse, l’exposition, les épisodes, les reprises modulées, le
stretto et la pédale. Toutes les parties bien enchainées ensemble et
développées dans de justes proportions constituent la conduite de la fugue. […]
/ La fugue est la pierre de touche du savoir des musiciens. Quand on disait
d’un compositeur, il a manqué la réponse,
on ne pouvait, dit M. Fétis, rien ajouter de plus méprisant. […] »
Joseph d’Ortigue, Dictionnaire liturgique, historique et théorique de plain-chant et de
musique d’église au moyen âge et dans les temps modernes (1853)
(À suivre)
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