Pour Atlas le crime inexpiable de Debord — et
d’autant plus inexpiable qu’il s’en faisait une gloire —, c’est d’avoir fini
par cibler un seul côté en tapant exclusivement et immodérément sur « la gauche ».
Il écrit : « Revenons donc à cet époque, où seuls relayaient la
défense des intérêts patronaux les partis de “la droite”, ainsi que leur presse
conservatrice et réactionnaire. En face, il ne faisait aucun doute pour “la
gauche” qu’une augmentation de la part du capital variable – salaires – dans la
répartition des richesses produites fût un socle stratégique indispensable afin
d’étendre l’influence du travail vivant dans la gestion de ce travail mort qu’est
lr capital. San équivoque était l’affrontement : la structure Mai 68 – Mai
81 fit exploser un tel schéma. » Suivent des considérations sur la
publication par Champ Libre à l’initiative de Debord du livre de Bruno Rizzi :
La Bureaucratisation du monde* qui
éclaire pour Atlas l’infamie debordienne. Atlas en donne pour preuve la prière
d’insérer rédigée par Debord lui-même : « Voilà le livre le plus
inconnu du siècle, et c’est justement celui qui a résolu, dès 1939, un des
principaux problèmes que le siècle a rencontrés : la nature de la nouvelle
société russe, la critique marxiste de la forme de domination qui y est apparu.
(…) L’Américain Burnham fut le premier à se faire un nom, avec L’Ère des
organisateurs, en récupérant tout de suite cette critique prolétarienne de la
bureaucratie, la travestissant pour son compte en éloge inepte d’une hausse
tendancielle du pouvoir de décision détenu par de compétents “managers” dans l’entreprise
moderne, au détriment des simples détenteurs de capitaux. »
Le spectre commente : « Tout est
dit. La dénonciation du crime inexpiable que constitue sui generis le parti bolchevick est une réalité ; son passage
à tabac théorique par mes soins, d’un point de vue de l’ultragauche, en est une
autre. Mais les deux critiques sont sans effet sur une intelligentsia de gauche oscillant entre réformisme social-démocrate
et radicalisme trotskiste. C’est la qu’intervient mon tour de bonneteau […]. / […]
je ne sache pas que quiconque puisse me dénier le mérire historique d’avoir été
l’initiateur d’un tour de passe-passe à l’issue duquel trompherait l’actionnariat,
sous prétexte que l’intérêt général désignait comme ennemi prioritaire de l’humanité
cadres et agents de l’État ! Soit, un discrédit du managériat comme
condition préalable de la victoire du prolétariat ! Depuis lors paradis fiscaux
et bancaires peuvent bien n’avoir guère plus que moi la meilleure des
réputations, mais ils font la loi. Quelques manuels à peine auront suffi à faire
sauter le verrou conceptuel qui [en] faisait à “la gauche” un tabou non
transgressible, sous peine de péché mortel. Ainsi, dans le paysage ministériel,
put apparaître un Bernard tapie… »
____________________
* Il faut noter que Voyer — qui
ironise sur la remarque de Debord : « Atlas va être un fou encore
plus gênant que Voyer… » (Atlas ! je suis donc Prométhée) — s’intéresse
lui aussi beaucoup à cette édition Champ Libre debordienne du livre de Rizzi,
mais pour de toutes autre raisons. Il la rapproche de « l’affaire Anders »
et cite quant à lui la quatrième de couverture : « On pouvait lire,
sur la quatrième de couverture de l’article de Bruno Rizzi, L’U.R.S.S :
collectivisme bureaucratique, paru en 1976 aux éditions Champ Libre,
extrait de son livre La Bureaucratisation du monde, paru en 1939, à
Paris, à compte d’auteur : “D’autres ont pillé Rizzi avec une
assurance d’autant plus tranquille que ceux-là préféraient l’ignorer. Les rares
détenteurs du livre si bien disparu(1) qu’il n’en existe même pas un
exemplaire à la bibliothèque nationale(2), en ont tiré discrètement
parti pour trancher du chercheur de pointe(3), et aimeraient ne pas
perdre cette réputation(4) :
depuis 1968, les divers experts en contestation qui détiennent un stand chez
presque tous les éditeurs français ont exhumé toutes sortes d’écrits moins
brûlants, mais jamais Rizzi(5) qu’ils
n’ignoraient pas tous(6).” / 1 Jamais
paru en français pour le cas de Anders, mais ce livre a connu huit éditions en Allemagne.
/ 2 Aucun exemplaire à la bibliothèque du Congrès pour Anders. /
3 Exactement comme Debord pour Anders, donc. / 4 Mauvaise,
je suppose dans le cas de Debord. / 5 Jamais Anders dans le cas
de Champ Libre auquel les moyens ni les bons traducteurs ne manquaient. / 6 La
meilleure, dans le cas de Anders, au point que Debord peut en citer un passage
de mémoire trente-deux ans après la première publication à Munich en 1956.
/ Farceurs, fumiers, canailles. Une fois de plus, je les juge ad hominem,
en citant leurs propres paroles. Salauds.
(À suivre)
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