D’ailleurs Debord reconnaît volontiers la débâcle
de ses troupes dans son film testamentaire : In girum, etc. ; et il en revendique aussi la responsabilité :
« J’admets, certes, être celui qui a choisi le moment et la direction de l’attaque,
et donc je prends assurément sur moi la responsabilité de tout ce qui est
arrivé. ». Il se flatte même de cette déconfiture : « On n’a que
trop vu de ces troupes d’élites qui, après avoir accompli quelque vaillant exploit,
sont encore là pour défiler avec leur décorations, et puis se retournent contre
la cause qu’elles avaient défendue. Il n’y a rien à craindre de semblable de
celles dont l’attaque a été menée jusqu’au terme de la dissolution. »
Pourquoi ne pas croire à sa lucidité sur ce point-là aussi ? Et pourquoi
ne pas croire que son apothéose telle qu’elle a été mise en scène par Alice n’était
pas au fond la seule chose à laquelle il aspirait véritablement ? Cela aura
été, en tout cas, sa plus grande réussite.
Dans ce contexte, il est assez plaisant de retrouver
dans la très expéditive Histoire désinvolte
du surréalisme de Vaneigem (qui vient d’être rééditée) une conclusion qui
pourrait aujourd’hui s’appliquer, sans
presque rien y changer, aux situationnistes eux-mêmes : « Le
surréalisme est partout sous ses formes récupérées : marchandise, œuvre d’art,
techniques publicitaires, langage du pouvoir, modèle d’images aliénantes,
objets de piété, accessoires de culte. Ses différentes récupérations, pour
incompatibles que certaines d’entre elles apparaissent, avec son esprit, il importait
moins de les signaler que de montrer que le surréalisme les contenait dès le
départ comme le bolchevisme contenait la “fatalité” de l’État stalinien. Sa
nature idéologique à été sa malédiction originelle, celle qu’il n’a cessé de
vouloir exorciser jusqu’à la rejouer sur la scène, privée et mystérieuse, du mythe
ressuscité des profondeurs de l’histoire. »
Mais revenons à Janover. Que dit-il donc de
si choquant ? Le centre de sa critique porte sur le fait que l’I.S. — et
donc Debord au premier chef — qui prétendaient dépasser les surréalistes ont
été incapable, eux aussi, de tenir
ensemble une critique de la culture et une politique révolutionnaire
conséquente. Les surréalistes, après l’épisode malheureux du « compagnonnage »
avec les communistes ont dû se replier sur des positions artistiques qu’ils
prétendaient dépasser. Mais en quoi l’I.S. a-t-elle dépassé cette dichotomie ?
En rien, nous dit Janover parce que ce n’est pas en laissant tomber un côté :
l’art en le déclarant périmé, pour l’autre : la politique révolutionnaire,
c’est-à-dire en éliminant un des termes que l’on peut réaliser un dépassement
dialectique de la contradiction dans laquelle on reste ainsi enfermé. L’abandon
par des situationnistes du « front culturel » pour celui de « l’hyper-politique »,
à l’instigation de Debord, n’a pu être présenté comme un « progrès »
que parce que mai 68, dans un premier temps, semblait venir confirmer à la fois
les thèses de l’I.S. et l’option choisie par son leader. C’est ainsi qu’on a pu
voir Debord affirmer par la suite, contre toute réalité, que l’I.S. pouvait à
présent disparaître puisque les situationnistes étaient partout ! — si le
situationnisme s’est effectivement répandu partout après 68, c’est justement
parce que l’I.S. avait échoué.
(À suivre)
Il faut être un ignare ou un escroc comme Janover (ou vous-même) pour affirmer que les situs ont abandonné le « front culturel » pour celui de « l’hyper-politique ». Il suffit de relire la revue I.S. pour voir qu’il n’en est rien, et on y verra d’ailleurs Janover justement critiqué dans les numéros 10 («L’armée de réserve du spectacle») et 11 («Un moraliste»). Le pauvre ne s’en manifestement jamais remis.
RépondreSupprimerVous n'êtes qu'un imbécile.
SupprimerJanover nous sert la même tambouille depuis 20 ans sur les situs et les surréalistes : une dizaine de livres identiques à peu de chose près, dont seul le titre et l'éditeur varient.
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