Entrée de Gérard
À supposer aux esprits une constance pareille
aux battements du cœur ou de la marche monotone, l’entrée de Gérard dans ce
cercle d’homme n’alla pas sans dérèglements intérieurs dont il fut long à
amortir les soubresauts. L’homme de la plaine qui s’en allait vers l’est et qui
connut la montagne hérissée de mirages, puis d’autres mers, — qu’il lui
semblait difficile de ne les calculer qu’en fonction des plans et des couleurs
nouvelles qu’elles lui présentaient, étendues verdoyantes ou nacrées, densités
blanches des nuages qui bougeaient à la surface de prairies inondées, approches
délicates des choses auxquelles il convient que rien ne ressemble, que rien ne
brise, que rien ne retient, pareilles aussi aux gestes parfaits du sommeil. /
Pour Gérard, qu’une singulière solitude avait peu à peu mené aux plus
perverses, au plus équivoques manœuvres et qui tenait les hommes non pour les
points sensibles du mystère mais pour des figurants faiblement agités au milieu
d’un décor familier, l’on peut dire qu’une inverse démarche l’amenait à tenir
pour semblables aux siennes les démarches de ceux qu’une circonstance poussait
à nouer avec lui des rapports moins évasifs. Maintenant, il se plait à fixer, à
la manière des épreuves photographiques, deux instantanés qu’il oppose
voluptueusement dans sa mémoire et qui figurent l’entrée de Gérard parmi les
hommes puis on silence parmi les hommes délibérément maintenus à l’écart. /
C’est ainsi qu’il en est venu à introduire dans la complexité croissante de la
partie qu’il mène, certaines naïvetés calculées et quelques feintes
volontaires.
Paul Nougé
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