Dans l’épisode deux, il était question d’Éliane
Papaï, la « petite amoureuse » de Debord — « Celle qui était la
plus belle cette année-là. » — qui revient
à plusieurs reprises dans le film — « “Nous tournons en rond dans la nuit,
et nous sommes dévorés par le feu”. La
même revient. » — avec les photographies suivantes :
Il y avait erreur de ma part : ce n’est
pas Éliane Papaï qui se trouve sur la seconde photo. Debord montre bien deux
fois la même : la première. Cependant, il faut noter que la seconde présente
une grande ressemblance avec la première. C’est une photo recadrée qui
illustrait un article du magasine Elle intitulé :
« Je défends l’érotisme à l’ancienne. » Dans les Œuvres cinématographiques complètes, elle est légendée :
« Une mineure détournée. » (Le commentaire en voix-off de Debord
dit : « C’est là que sont les petites filles qui te donnent tout,
d’abord le bonsoir et puis la main… […]. ») — et elle apparaît dans la
séquence avant celles d’Éliane Papaï.
Sur la photo de l’article découpée par Debord
et recadré dans In girum, la fille
qui ressemble à Éliane est étroitement enlacée par un garçon dont on distingue
mal le visage — mais qui associé à celui de la pseudo-Éliane renvoie au couple que
la vraie formait avec Jean-Michel Mension ; et ainsi à un épisode de la
vie au Quartier. Debord n’a pu qu’être frappé par cette ressemblance qui
réactivait pour lui un souvenir douloureux ; et c’est sans doute pour cela
qu’il a archivé l’article. La photo recadrée sera utilisée à la place de celle
d’Éliane Papaï qui apparaîtra deux fois par la suite. Jean-Michel Mension — il
n’est pas directement évoqué ni montré mais il est pourtant très directement
associé à Éliane Papaï pour Debord — brosse de « la petite Éliane » le
portrait suivant : « […] après passage et évasion de la maison de
correction de Chevilly-la-Rue, tenue par des bonnes sœurs, se trouvait dans un
Bon Pasteur du côté du XVIe arrondissement. À la première occasion,
elle se pointait dans le quartier et retrouvait Guy Debord. Probablement par
prudence, il ne fumait pas de hasch, ou alors du bout des lèvres. Mais Éliane
était passionnée par ce produit et nous allions fumer sous un pont […]. / Et ce
qui devait arriver se passa. […] nous nous retrouvâmes une nuit chez Raymond
Hains couchés et faisant l’amour. Debord fit alors une tentative de suicide
raté réussie, et partit se reposer quelques jours à Cannes chez ses
parents. »** Il est certainement resté à Debord, de cette époque, une
blessure qui ne s’est pas refermée : « Brûlante, trop brûlante
blessure de l’amour. »
Cet exemple montre, à l’évidence, que les
images utilisées par Debord ne sont pas « juste des images » destinées
à illustrer une histoire, ni à plus forte raison des « images
justes » (ou fausses) — bien que l’on retrouve ces cas de figure dans ses
films — ; mais que certaines d’entre-elles, pour peu qu’on puisse les
déchiffrer, donnent accès à une autre
histoire — ou plutôt à des dessous occultés — qui est la vérité de celle
qui est montrée. Cela est particulièrement vrai d’In Girum, film testamentaire, où Debord boucle son histoire.
_________________
* Ce qu’on peut lire de l’article de Elle n’est pas sans rapport avec notre
propos.
** Le
temps gage, Aventures politiques et
artistiques d’un irrégulier à Paris, Éditions Noesis.
Aussitôt qu'une de vos fameuses trouvailles «à la lumière du canon rétrograde» est démentie, vous dénichez triomphalement un autre os … votre flair vous désigne comme le Rantanplan de la debordologie !
RépondreSupprimerQuelle trouvaille a été démentie; et par qui ?
SupprimerCette publicité, dont l’existence dément l’interprétation et la méthode «à la lumière du canon rétrograde» du fameux debordologue Rantanplan (au flair si légendaire) figure dans "La Fabrique du cinéma de Guy Debord" (illustration 65) qui vient de paraître chez Actes Sud par les soins de Fabien Danesi, Fabrice Flahutez et Emmanuel Guy. CQFD
RépondreSupprimerMon petit Alex. Vous avez encore perdu une occasion de vous taire. Je n’ignore évidemment pas que l’article de Elle que je reproduis vient du bouquin de Danesi & Co. puisque c’est là que je l’ai trouvé. Seulement, ce document qui vient lui-même des archives Debord de la BnF, est là parmi d’autres. Danesi n’en dit rien de particulier — comme il ne dit rien de la provenance du palindrome-titre du film de Debord dans son article du catalogue de l’exposition sur In girum.
SupprimerCela dit, comme vous avez l’air de vous intéresser de près aux publications qui accompagnent la célébration debordiene de la BnF, je ne saurais trop vous conseiller de vous procurer le livre de Zagdanski : Debord ou la diffraction du temps paru en 2008 et ressorti des oubliettes pour l’occasion. Outre le fait de contribuer à éponger les invendus, vous aurez la satisfaction de lire la prose d’un thuriféraire convaincu comme vous que Debord est le héros des temps modernes.
Cher Rantanplan, ne tentez pas de vous faire plus malin que vous ne l'êtes : vous passez votre temps à parler à tort et à travers de Debord et à construire des théories vaseuses à propos d'In girum. Pendant ce temps-là, vous ne faites pas de bêtises, c'est entendu, mais vous en écrivez assurément.
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