[La
lettre de Sanguinetti dont je donne des extraits a été écrite en français et
traduite en anglais. L’original n’étant pas en ligne, j’ai retraduit en
français la traduction anglaise — avec les inévitables distorsions que cela
implique.]
Les
situationnistes ne parlent. Cela a été vrai ; ça ne l’est plus tout à
fait. Le temps a passé, il a prescription. Sanguinetti a ainsi rompu le silence
qu’il s’était longtemps imposé. C’est qu’il y avait urgence : la
confiscation de l’histoire situationniste au profit du seul Debord atteignant
des sommets, il était plus que temps de réagir. Il a été l’un des frères
d’armes de Debord, presque un égal : un pair. Le jugement qu’il porte sur
celui-ci à un poids et mérite certainement qu’on s’y arrête.
Sanguinetti
n’a connu que le second Debord, le stratège du « jeu de la guerre »
sociale ; mais il fut son plus proche lieutenant et son ami. Il
écrit : « […] je me rappelle le nombre de fois où il a souligné
devant moi le rôle important de la première période « artistique » de
l’I.S., comme le rôle considérable joué par tel ou tel situationniste, en
disant – avec la modestie des grands hommes – que son mérite avait été sa
capacité de saisir, solidifier et donner forme aux impulsions, pensées, etc.
qui venaient des autres. »
Cette
proximité et cette amitié, comme ce fut le cas pour d’autres
« frères », n’étaient pas destinées à durer. « En ce qui me
concerne personnellement, il est certain, en tout cas, qu’à partir du succès de
l’Opération Censor, dans laquelle il ne croyait pas beaucoup, il y a eu de la
part de Guy une sorte de prudence suspicieuse à mon encontre. Et alors il a
cherché pendant longtemps un prétexte pour m’attaquer, pas franchement ou
directement, ce qu’il pouvait faire en m’écrivant directement, mais de façon
oblique, dans une guerre asymétrique, non déclarée, et, quelques années plus
tard, en répandant (à droite et à gauche) des insinuations et des hypothèses
calomnieuses à sur le Doge, sur moi, sur ma conduite dans l’Affaire Moro,
etc. » Cela pose un certains nombre de questions qui peuvent se résumer à
une seule : pourquoi le succès de « l’Opération Censor »
a-t-elle entrainée une telle réaction de la part de Debord ? Sanguinetti
répond en affirmant que c’est tout simplement par jalousie. Mais Censor n’est
que le point de départ de cette rancœur qui allait se poursuivre par une guerre
larvée dont il relate longuement les péripéties.
Mais
ce qui a véritablement contribué envenimer la situation sera la parution du
livre de Sanguinetti sur le terrorisme : « C’est à ce moment précis
que Guy lança son offensive contre moi. La principale explication que j’ai
trouvé à cette trouble opération est le succès de mon livre sur le terrorisme
apprécié à l’étranger, où ceux qui le publiaient ou entreprenaient de le
publier le faisait avec un impact supérieur à celui de sa Préface à la quatrième édition italienne de La Société du spectacle.
Guy pensait que Du Terrorisme avait
plus du succès qu’il n’en avait réellement — le succès de Censor étant encore
frais. Sa seconde ligne d’attaque avait pour but de m’éliminer du mouvement
subversif en discréditant préventivement tout ce que je pourrais encore faire
et écrire, comme il l’avait fait avec d’autres. »
(À
suivre)
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