Sanguinetti
poursuit : « Le sommet de l’hypocrisie et de la fausse conscience ne
fut atteint que deux mois plus tard, quand Guy, feignant l’innocence
scandalisée, écrivit ce qui suit à Lebovici, le 18 octobre1981 : “Connaissez-vous
le dernier Voyer ? Il en vient à inciter au meurtre de Sanguinetti, tout
en insinuant qu’il travaille délibérément pour la police italienne” Voyer, qui
avait toujours été fou, avait publié un manifeste dans lequel il disait, parmi
d’autres choses : “La question qui se pose justement à propos de
Sanguinetti est : comment se fait-il qu’il soit encore en vie et
libre ? Après tout c’est peut-être un agent des services secret” Mais
malgré sa folie, Voyer ajoutait honnêtement : “Il faut que l’auteur de ‘Protestation’
applique à lui-même la méthode qu’il applique à Sanguinetti. Il faut laisser à
ce dernier le mérite d’avoir dénoncé l’usage spectaculaire du terrorisme
stalinien en Italie. (Jean-Pierre Voyer, Réponse
à l’auteur de ‘Protestation devant les libertaires du futur sur les
capitulations de 1980’, Paris, 7 octobre 1981)” »
Il
faut s’arrêter ici sur la façon mensongère et ignominieuse dont Debord met Voyer
en cause ; et sur le fait que Sanguinetti lui rend justice puisqu’il
reconnaît par ailleurs son honnêteté. Il n’empêche qu’il se trouve être d’accord
avec Debord pour considérer Voyer comme un fou. À ce propos, on notera sans
surprise le ralliement du « petit milieu » philo-situationniste au
diagnostique de Debord sur le « cas Voyer ». Il faut pourtant
rappeler que Voyer a longtemps été l’homme de confiance de Debord : pourquoi
celui-ci aurait-il accordé sa confiance à quelqu’un qu’il considérait comme un
fou ? On ajoutera que les gens qui ont personnellement connu et fréquenté Voyer
n’ont pas été frappé ce côté-là de sa personnalité : « Nous n'avons
jamais vu […] cet aspect qui semble tellement évident pour les autres. »,
m’écrit un correspondant qui l’a pratiqué.
Revenons
à la mise au point de Sanguinetti. Il remet en question la relation que Debord a
faite de certains événements dans le but d’alimenter la légende qui plait tant
aux amateurs d’histoires héroïques. Par exemple : « Il est
passablement comique qu’ils soient presque unanimement d’accord sur l’idée que
le départ de Guy d’Italie (parmi d’autres choses) fut causé par une sombre
persécution ou une expulsion dont il aurait été victime en 1977. En fait, son
départ, qui eut lieu avant le projet Censor, fut la conséquence d’une série de
faits prosaïques : déconvenues avec les Florentines, irritation parce
qu’on lui ait coupé le chauffage à Florence au milieu de l’hiver ; parce
que quelqu’un avait volé le vin de la cave du curé de Pieve di San Cresci où il
résidait ; banals problèmes d’argent me concernant, etc. Ainsi, il y a une
foule d’erreur de ce genre dans les tombeaux et monuments érigés à sa gloire, travaillant
tous à la fabrication d’une légende et d’un mythe. »
(À
suivre)
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