En 1983 l’imprimeur véronais Mariano
Mardersteig livrait les premiers exemplaire de Il segreto è dirlo et « La Repubblica », l’un des
quotidiens les plus lus en Italie, consacrait un long article aux aventures
d’un étrange client de mon étude, l’ouvrier Stabile Fioravante. L’enquête était
signée par Giorgio Bocca, le mieux payé parmi les journalistes prêts à écrire
sur n’importe quel sujet, éventuellement sur commande. Stabile Fioravante
n’avait pas tué sa femme à coups de marteau et n’était pas non plus le dernier
fiancé de Caroline de Monaco, mais il n’en avait pas moins mérité les honneurs
de la presse en gagnant, en moins de vingt mois, dix-sept procès contre
dix-sept sociétés différentes dont il avait réussi à se faire licencier. / Les
juges lui accordèrent une indemnité globale de 700 000 NF d’aujourd’hui.
Non content de son succès, Fioravante menaçait avec insolence de continuer sur
cette voie, en incitant les autres à en faire autant. / Cela se passait en
Italie au moment où la révolte prolétarienne, commencée en sourdine dans les
années 1966 et 1967, semblait sans issue. Depuis plus de seize ans elle
renaissait chaque fois sous des formes différentes, dominant habilement la
répression et ne cédant jamais à la tentation d’accepter de sournoises offres
de paix. Les jeunes volaient vers les bureaux d’embauche pour y demander
n’importe quel travail, très pressés de « foutre le bordel » et de
récupérer de jolies sommes en échange de leur départ. / Il serait ridicule de
s’interroger longuement pour savoir si ce banditisme légal doit être considéré
comme subversif. Il fut indiscutablement scandaleux et les organisations
syndicales furent bien obligées de le tolérer, en le dissimilant hypocritement,
dans l’espoir de le voir cesser spontanément. L’exploitation éhontée des lois
alimentait des comportement radicaux et constituait une véritable farce aux
dépens de ceux qui étaient bien obligés de les respecter, puisque c’était eux
qui les avaient crées et imposées. C’est dans ce climat que furent conçues les
joyeuses et désinvoltes aventures de Salvatore Messana ; et il est
impossible de bien les comprendre sans leur accorder la réalité, sinon le
réalisme, dans lesquelles elles baignent. Le livre paru sans nom d’auteur, pour
éviter les confusions avec les bandes de
petits arrivistes, leurs chroniques ambiguës et sournoises des luttes
italiennes et avec leut désir évident d’obtenir un poste minable. / Aujourd’hui
où tout paraît brusquement et inexplicablement calme, je peux enfin signer. /
Gianni Giovannelli
*
La traduction du livre dont on vient de lire
la Préface à l’édition française est parue en 1989 aux éditions Allia. On s’est
évidemment interrogé sur la véritable identité de l’auteur. Debord y a reconnu
Sanguinetti : « Connaissais-tu ce livre récent de Gianfranco ?
Il y a des choses plaisantes. », écrivait-il a Charles Vincent en 1991 (Correspondance, volume 7). Une Note
précise : « Supercherie mêlant, sur le mode picaresque, des faits
réels aux “aventures” d’un indicateurs avéré. » — ce qui est évidemment une
saloperie puisque visant indirectement Giovannelli, c’est-à-dire Sanguinetti si
c’est bien lui l’auteur du livre, comme le pense Debord.
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