L’émission de France Culture d’où sont tirés
les extraits ici transcrits peut être écoutée dans son intégralité à l’adresse
suivante :
*
Boris Donné [Michèle Bernstein] :
« Un anti-artiste, quelqu’un qui aura composé une œuvre au second degré,
une œuvre de collages, mais qui lui-même aura écrit finalement un ensemble de
textes relativement modeste ; peu de choses sont de sa main même dans ses
œuvres ; dont les films ne comportent presque aucune image qu’il aura
tourné lui-même ; quelques œuvres graphiques mais qui sont des collages là
aussi ou bien de simples inscriptions […] ; quelqu’un qui aura eu
l’ambition d’être entretenu : Ne
travaillez jamais, il faut bien trouver des moyens d’existence, on les
trouve en vivant au crochet des femmes qui partagent votre vie — ça été lé cas
de Michèle Bernstein — [“Et à partir du moment où j’ai été bien payé, eh bien,
c’est vrai, de toute façon, on séparait mon mois en trois : un tiers pour
Guy, un tiers pour moi, un tiers pour la maison, pour les factures ; et ça
a continué après, même quand on ne vivait plus ensemble, jusqu’à ce que
Lebovici lui donne des sous pour La Société du spectacle — c’est pas parce que
je quitte un garçon que je vais le réduire à la famine.”] — ; de riches
mécènes qui viennent financer vos activités — ça été le cas de Gianfranco
Sanguinetti à la fin de l’aventure de l’Internationale situationniste et puis
ensuite de Gérard Lebovici ; et quelqu’un qui cherche à fasciner les
autres, à avoir une prise sur eux par un charme qu’il exerce : et avec une
finalité subversive d’une certaine façon. — [“Mais en même temps, je dois dire
que quand on avait 25 ou 30 ans, si quelqu’un nous avait dit : votre
avenir c’est une belle réussite, vous serez Trésor national et vous aurez une
très belle exposition à la Bibliothèque nationale, j’ai l’impression qu’on
l’aurait battu ; on était quand même beaucoup plus ambitieux que ça.”]
*
Boris Donné : « Pour comprendre
comment il a élaboré ses livres, ses films, il faut se dire que c’est quelqu’un
qui, dans tout ce qu’il lit est en fait à la recherche de lui-même, c’est-à-dire
que, il lit des ouvrages, classiques, des pièces de Shakespeare, les Essais de Montaigne, les Mémoires du cardinal de Retz ; il
va au cinéma, voir de grands films comme Les
Enfants du paradis, Orphée, comme
Le Troisième homme, ou comme des
films oubliés, des films de série B, et à chaque fois la question qui sous-tend
la réception de ces œuvres c’est : mais en quoi est-ce que ça parle de moi
ou en quoi est-ce que je peux amener ça à renvoyer une image de moi-même, de ma
propre histoire, de ce que je suis, de ce que je pense ; alors il le fait
souvent avec humour, et dans le processus du détournement il y a volontiers cet
effet de décalage […], mais malgré tout le phénomène d’identification reste
quelque chose de très fort et on sent bien que quand il détourne de Marcel Herrand
incarnant Lacenaire dans Les Enfants du
paradis, il y a une identification, une sympathie, une affection qui ne
sont pas marqués par une distance ironique ou un éloignement qui relèverait du
second degré. »
*
Michèle Bernstein [Boris Donné] : « […]
Alice et le frère d’Alice sont allés jeter les cendres au bout de… [“à la
pointe du Vert-Galant à Paris et ce lieu, il y est attaché parce que c’était un
des lieux de promenade des jeunes lettristes dans les années 50 ; mais c’est
aussi, sur un plan historique, le lieu où avait été édifié le bucher du Grand Maître
des Templiers, et les Templiers sont présents aussi dans Panégyrique, la règle de l’ordre du Temple est citée quelque fois
et donc ça participe encore sans doute de cette mythologie personnelle.”] Moi,
je l’ai appris, j’étais en Angleterre ; c’est une amie à moi de Libé qui me l’a dit avant les autres
parce qu’elle avait vu la dépêche de AFP, elle m’a dit : tu sais Guy
Debord vient de se suicider ; j’ai répondu : ah ! merde alors ;
mais ça faisait longtemps que je l’avais pas vu ; après je me disais :
maintenant y doit être arrivé au Havre. […] Je pensais qu’il se suiciderait,
comme la plupart des gens, le jour de son anniversaire — je pensais d’ailleurs
qu’il se suiciderait le jour de ses 60 ans, il en avait beaucoup parlé,
beaucoup dit etc., et puis le gendre de Marx, enfin nous connaissons tout çà. Donc
le jour de ses 60 ans j’ai vraiment regardé les journaux pour voir si Guy s’était
suicidé : non, alors le jour de ses 61 j’ai regardé si Guy s’était suicidé :
non ; et avant ses 63 ans, voilà qu’il se suicide un jour qui n’est pas
son anniversaire ; mais on peut dire qu’il s’est euthanasié plutôt parce
que depuis j’ai appris qu’il souffrait de sa polynévrite de sa goutte. […] »
*
Jean-Michel Mension : « Je sais pas
comment il a vraiment vécu la période après la dissolution de l’Internationale
situationniste, je sais pas d’ailleurs si l’Internationale situationniste
existait avant qu’on la dissolve. »
(À suivre)
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