L’Encyclopédie
des Nuisances dont les membres furent suffisamment proche de Debord pour qu’il
accepte de participer à leur publication ont dû eux aussi en arriver à une
nécessaire remise en question de l’apport situationniste ; et donc à une
critique. Cela n’a pas été sans peine — et seulement avec l’ultime numéro de la
revue. Encore celle-ci prend-elle prétexte de la recension de deux livres
particulièrement favorables à l’I.S. puisqu’il s’agit de l’Histoire de l’Internationale situationniste de Jean-François Martos,
directement inspirée par Debord lui-même, et du livre de Dumontier sur 68 à la
gloire des situationnistes — que Debord appréciait particulièrement ; on
comprend pourquoi.
Mais cette critique, assurément nécessaire, n’est
pas encore suffisamment assurée d’elle-même qu’elle n’éprouve le besoin de ménager
Debord même quand elle lui porte des coups (mérités). Ainsi après un constat
assez lucide sur l’attitude du dernier Debord revisitant son passé
révolutionnaire : « Dans les thèses de La Véritable scission, l’unité des passions individuelles et des
intérêts universels étaient encore formellement maintenue (alors qu’il s’agissait
en fait d’une réponse individuelle au non-dépassement collectif) au moyen de l’hypothèse
théorique ad hoc, selon laquelle la
liquidation de l’I.S. était exactement accordée aux besoins du mouvement social
plus vaste qui rendait désormais son existence inutile. (Maintenant l’auteur de
Panégyrique parle plutôt des “répugnantes
années soixante-dix”.) Ce n’est qu’ensuite, en sauvant cette unité défaite dans le souvenir, que Debord allait
paradoxalement devenir, avec son film autobiographique In girum imus nocte et consumimur igni, le dernier artiste d’une
époque sans art. […] C’est donc le moment de l’expression la plus fièrement
subjective, par laquelle le jeu avec le temps, qui s’était identifié avec le
possible révolutionnaire d’une époque, doit être ramené au jeu d’une aventure
individuelle qui referme la boucle du temps en retrouvant son sens final dans son
origine. » ; et l’affirmation que le « désengagement de toute
perspective pratique marque plus encore les Commentaires
sur la société du spectacle » ; peut-on lire qu’« il serait cependant
aussi mesquin de blâmer Debord de sa manière de faire, étant donné la qualité
des résultats théoriques obtenus, qu’inadmissible de ne pas vouloir reconnaître
les besoins révolutionnaires que cette manière de faire, superbement, néglige. »
Mais n’est-ce pas précisément « la
qualité des résultats théoriques obtenus » qu’il faut interroger maintenant
que les jeux sont faits et que l’on peut voir qui a raflé la mise ? Un
certain nombre d’ouvrages —— aux nombres desquels il faut compter celui de Janover
— permettent d’aller dans ce sens ; et de jeter ainsi un regard désabusé
sur « l’aventure situationniste » désormais identifiée à la seule
figure de Debord.
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