Pour qui veut se faire une idée du (mauvais)
pastiche debordien auquel se livre (sans vergogne) Muray, il suffit de se
reporter à la Préface, de L’Enfance du bien dans les Essais. Voilà ce que ça donne :
[…]
Le Bien est allé vite. Le bien s’est démené.
Il a bien travaillé. Au passage, dans sa ruée furieuse, il a même réussi à
escamoter le Mal. Il l’a emporté. Il l’a converti. Il l’a accaparé. Pour finir
par le jeter dans la corbeille de mariage ai moment de convoler triomphalement
avec la Fête. Car le Bien, en fin de compte, s’est uni avec la Fête ; et c’est
l’entrée conjointe en surfusion de ces deux « valeurs » qui
représente le fait le plus extraordinaire des dernières années.
[…]
Le négatif, qu’il exécrait parce qu’il
représentait très exactement la puissance la puissance du développement
historique, il l’a mis sous séquestre. Et, pour qu’il ne lui arrive jamais ce
qui était survenu aux précédentes sociétés, à savoir disparaître un jour comme
un état de choses en cours de pourrissement, il a imaginé (moins stupide en
cela, moins naïf que ses prédécesseurs en oppression) de s’intégrer à titre de
contre-poison du négatif postiche. […] Le Bien singe le Mal chaque fois qu’il
le faut. Il entretient comme des comme des feux de camp les foyers de conflit.
Et les nouvelles générations de rebelles de synthèse, commodes et arrangeants,
qu’il a fabriqué, ne risque pas de se
révéler un jour les fossoyeurs, les successeurs, encore moins les usurpateurs
ou les démolisseurs de cet exemplaire employeur.
[…]
Le Bien a couru, il a cavalé, il s’est
précipité. Il a touché son but, atteint son désir. Et il est en passe de
réaliser ce qu’aucune institution, aucun pouvoir, aucun terrorisme du passé,
aucune police, aucune armée n’étaient jamais parvenus à obtenir : l’adhésion
spontanée de presque tous à l’intérêt général, c’est-à-dire l’oubli
enthousiaste par chacun de ses intérêts particuliers, et même le sacrifice de
ceux-ci. Rien dans l’Histoire passée, excepté peut-être (et encore) la
mobilisation furibonde des Allemands et des Français, leur levée en masse lors
de la déclaration de guerre de 1914, et corrélativement le mutisme de eux qui
(anarchistes, pacifistes, sociaux-démocrates) auraient dû s’opposer à la
démence générale, ne pourra donner la moindre idée d’une si formidable
approbation. […] L’Empire dit désormais,, paraphrasant Hegel : « Tout
ce qui est réel est festif, tout ce qui est festif est réel. »
[…]
C’est sans doute la plus grande originalité
de cet ouvrage qu’il ne suggère aucune solution à tout ce qui, sous l’aspect d’un
désastre sans cesse accéléré, a fini par se substituer à la société. On prendra
plaisir, j’en suis persuadé, à remarquer que je ne voyais déjà, en 1991, nulle
issue à cette situation. On pourra aussi observer, toujours avec plaisir, que
je ne me préoccupais guère de convaincre ceux qui ne l’auraient été par
eux-mêmes surabondamment de la pertinence d’une telle vision. On se félicitera
de constater que je n’envisage pas la plus minime lueur d’espoir dans cette
nuit électronique où tous les charlatans sont gris et où les marchands d’illusions
voient la vie en rose sur le Web.
[…]
Août 1998.
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