Quelques extraits d’articles parus dans :
in situs, Théorie, Spectacle et Cinéma chez Guy Debord et Raoul Vaneigem, Gruppen
éditions. Que je commenterai ultérieurement.
Entretien avec Raoul Vaneigem
[…]
G[ruppen] : Quels sont les événements
qui vous ont convaincu que votre appartenance à l’I.S. n’était plus l’activité
qui vous permettait de continuer votre pensée critique ?
R[aoul] V[aneigem] : L’évolution du
groupe après la fin du mouvement des occupations de mai 1968. Cinquante années
de mensonges ne réussiront pas à dissimuler à longue échéance que les situationnistes
ont été le détonateur de l’insurrection. Mais il aurait fallu qu’à la suite de
ce coup d’éclat le groupe proclame sa propre dissolution et laisse se frayer d’elles-mêmes
les voies qu’avait ouvertes au futur une critique radicale qui avait jeté à bas
les grands principes sur lesquels se fondait le monde d’hier […]. À défaut d’une
telle décision, le groupe s’est contenté de survivre en cooptant des membres
dont la plupart ont été en quelque sorte
écrasés par ce qu’ils n’avaient pas accompli. Ce sentiment de malaise, ils se
sentaient contraints de l’exorciser par une raideur sectaire qui compensait une
rigueur de pensé en déperdition. Le groupe s’est bureaucratisé pour finir sur
un mode vaudevillesque.
[…]
G : Avez-vous lu les Commentaires sur la société du spectacle
de Guy Debord publiés en 1988 ? Partagez-vous l’analyse des Commentaires ?
RV : Oui.
G : Avez-vous lu ou vu les dernières œuvres
de Guy Debord, telles que In girum imus
nocte ou le Panégyrique ?
Retrouvez-vous dans ces ouvrages les réflexions dont vous débattiez à l’époque
de l’I.S. ?
RV : Non.
[…]
G : Quelle est votre interprétation
personnelle du concept alchimique de materia
prima ?
RV : J’ai le sentiment que, volens nolens, nous sommes en tant que
matière corporelle pensante, objet et sujet d’un processus alchimique où notre
réalité physiologique, organique, mentale, psychologique forme, en son
agitation constante et incontrôlée, la matière brute dont seule une pratique de
type alchimique peut opérer la transmutation. Alors que la psychanalyse tente d’éclairer
le bouillonnement des pulsions, des humeurs, des gestes, des images, des réflexions
conscientes et in conscientes, dont les éruptions volcaniques raniment en nous
la férocité des comportements prédateurs, l’alchimie du moi met l’accent sur un
processus de transmutation où chacun s’appréhende à la fois en tant que matière
première et comme conscience opérante. Il s’établit alors une relation entre le
sujet observant et l’objet observé qui influe sur le processus expérimental même.
[…] Appréhender le magma émotionnel comme la materia prima d’une alchimie du moi ouvre les champs du possible à
une transmutation en un être, enfin humain, de la brute affublée du nom d’Homme
qui a fait de l’histoire un long fleuve de sang. […]
(À suivre)
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