vendredi 7 juin 2013

Lectures – in situs / 1



Quelques extraits d’articles parus dans : in situs, Théorie, Spectacle et Cinéma chez Guy Debord et Raoul Vaneigem, Gruppen éditions. Que je commenterai ultérieurement.


Entretien avec Raoul Vaneigem

[…]

G[ruppen] : Quels sont les événements qui vous ont convaincu que votre appartenance à l’I.S. n’était plus l’activité qui vous permettait de continuer votre pensée critique ?

R[aoul] V[aneigem] : L’évolution du groupe après la fin du mouvement des occupations de mai 1968. Cinquante années de mensonges ne réussiront pas à dissimuler à longue échéance que les situationnistes ont été le détonateur de l’insurrection. Mais il aurait fallu qu’à la suite de ce coup d’éclat le groupe proclame sa propre dissolution et laisse se frayer d’elles-mêmes les voies qu’avait ouvertes au futur une critique radicale qui avait jeté à bas les grands principes sur lesquels se fondait le monde d’hier […]. À défaut d’une telle décision, le groupe s’est contenté de survivre en cooptant des membres dont la plupart ont été  en quelque sorte écrasés par ce qu’ils n’avaient pas accompli. Ce sentiment de malaise, ils se sentaient contraints de l’exorciser par une raideur sectaire qui compensait une rigueur de pensé en déperdition. Le groupe s’est bureaucratisé pour finir sur un mode vaudevillesque.

[…]

G : Avez-vous lu les Commentaires sur la société du spectacle de Guy Debord publiés en 1988 ? Partagez-vous l’analyse des Commentaires ?

RV : Oui.

G : Avez-vous lu ou vu les dernières œuvres de Guy Debord, telles que In girum imus nocte ou le Panégyrique ? Retrouvez-vous dans ces ouvrages les réflexions dont vous débattiez à l’époque de l’I.S. ?

RV : Non.

[…]

G : Quelle est votre interprétation personnelle du concept alchimique de materia prima ?

RV : J’ai le sentiment que, volens nolens, nous sommes en tant que matière corporelle pensante, objet et sujet d’un processus alchimique où notre réalité physiologique, organique, mentale, psychologique forme, en son agitation constante et incontrôlée, la matière brute dont seule une pratique de type alchimique peut opérer la transmutation. Alors que la psychanalyse tente d’éclairer le bouillonnement des pulsions, des humeurs, des gestes, des images, des réflexions conscientes et in conscientes, dont les éruptions volcaniques raniment en nous la férocité des comportements prédateurs, l’alchimie du moi met l’accent sur un processus de transmutation où chacun s’appréhende à la fois en tant que matière première et comme conscience opérante. Il s’établit alors une relation entre le sujet observant et l’objet observé qui influe sur le processus expérimental même. […] Appréhender le magma émotionnel comme la materia prima d’une alchimie du moi ouvre les champs du possible à une transmutation en un être, enfin humain, de la brute affublée du nom d’Homme qui a fait de l’histoire un long fleuve de sang. […]

(À suivre)

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