lundi 3 juin 2013

Cryptanalyse d’In girum / 20



L’une des particularités, remarquable, de cette structure spiralée consiste dans le fait qu’elle se présente comme une série de cercles en progression continue et qui sont tous différents. (Il n’y a donc pas de retour du même comme chez Nietzsche.) Chacun de ces cercles figure un cycle historique et se trouve dans une double relation avec les autres. Il procède de ceux qui le précèdent et il engendre ceux le suivent dans la spirale. De plus chaque point dans chacun des cercles qui la constitue est relié à tous ceux qui, à différents niveaux, lui sont apparentés, et avec lesquelles elle forment une série discontinue. Ainsi, par exemple la chute d’Ilion coïncide avec celle de Paris. De sorte que l’évocation d’un événement à un certain point de l’histoire peut renvoyer à tous ceux qui sont similaires, à d’autres stades de la progression. En même temps, pour l’observateur qui se situe dans l’axe tous ces événements sont simultanés parce, justement, ils ont perdu la dimension du temps : la spirale est devenu un cercle qu’il peut parcourir à volonté.

Ainsi, il faut bien prendre garde au fait que les différents éléments sélectionnés par Debord et qui se succèdent dans le montage linéaire du film tel qu’il apparaît au spectateur sont à considérer à la fois pour eux-mêmes et dans l’ordre qui est donné, mais aussi selon un axe paradigmatique perpendiculaire qui croise l’autre ; de sorte que qu’il reste encore à voir — et à savoir — si ce n’est pas à un autre niveau qu’il faut chercher l’élément véritablement signifiant ou si c’est toute la chaîne paradigmatique qu’il faut prendre en compte. Dans l’exemple précédemment donné la défaite de mai 68 renvoie à la chute d’Ilion ; mais aussi au siège de Paris par les Sarrazins du Roland Furieux ; et encore à l’occupation nazie à Venise du Terroriste.

On peut citer encore un autre exemple, où cette fois l’image montrée est un leurre : un faux-semblant : la photographie de la « fausse Éliane »* — « Une mineure détournée. » — qui apparaît avant celles de Baader et Esslin — « La plus belle jeunesse meurt en prison. » ; et précède un hommage rendu à la vraie — « Celle qui était la plus belle cette année-là. » Il s’agit en fait de la photo recadré d’un couple qui renvoie au souvenir d’une infidélité restée douloureuse. Elle est mise en rapport avec celle des deux rebelles allemands réunis dans la mort ; ceux-ci font ainsi figure d’exemple.

On voit ainsi que l’affaire est compliquée ; il s’agit donc de l’expliquer. Ce que, dans la modeste mesure de nos moyens, nous essayons de faire.

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* « Par exemple, je ne parle pas d’elle. Faux visage. Faux rapport. » (Critique de la séparation.)


(À suivre)

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