Debord
a-t-il construit son film testamentaire : In girum imus nocte et consumir igni, comme un opus alchemicum ? Nous avons essayé de montrer qu’il y avait
des raisons de le penser, même si celui-ci n’avait pas une connaissance
approfondie de l’alchimie opératoire. Mais, il pouvait parfaitement avoir une
bonne connaissance de la symbolique alchimique. Le palindrome titre est en soit
significatif puisqu’il place d’emblé le film sous le signe de Ouroboros. Debord a prétendu ne pas se
souvenir de la provenance du plalindrome. Admettons. On s’est donc interrogé et
on a cherché, sans beaucoup de résultat. L’une des hypothèses les plus
plausibles est celle qui attribue le palindrome à Sidoine Apollinaire
(430-480), érudit gallo-romain issu d’une illustre famille arverne des Gaules,
célèbre pour son éloquence et ses panégyriques. Voila ce que dit du fameux
palindrome Pierre-Emmanuel Finzi dans sa thèse sur In girum sous-titrée : Guy
Debord et le deuil de l’engagement* : « […] Sa formulation d’origine est : In girum imus nocte ecce et consumimur igni (“Nous voici, nous qui tournons en rond dans la nuit et sommes consumés par le feu”).
Debord choisit de supprimer la forme vocative portée par l’adverbe ecce. Mais ce faisant, c’est l’adresse qu’il
écarte ; la forme vocative étant la caractéristique d’une phrase
interpellant une personne. […] » Le passage cité est tiré d’un
chapitre qui s’intitule : L’ésotérisme
bon teint ; mais qui, en fait, n’a rien à voir avec ce qu’on nomme
proprement ésotérisme ; l’auteur veut simplement dire qu’In girum est un film abscons.
Toujours
en rapport avec l’alchimie, voici deux passages du Singe appliqué de Jean-Louis Brau. On sait que Brau est l’un des
fondateurs de l’internationale lettriste avec Debord et Wolman ; et qu’il
a donc bien connu et fréquenté Guy-Ernest à la belle époque du Quartier.
Voici
le premier. C’est le médecin d’un bordel militaire indochinois qui parle :
« Tu vois, dit Doc, le calomel, pour
nous, c’est un chlorure mercureux, tu veux une bière, je prends une bière, Doc
une autre, c’est facile la science, le calomel, c’est le chemin de la pierre
philosophale, la voie royale, […] le
calomel, ce qu’on a trouvé de mieux pour la syphilo, c’est, pour les
alchimistes, la sixième sublimation, le sublimé doux, après, c’est le sublimé
corrosif, nous l’appelons un chlorure mercurique, la liqueur de Van Swieten, et
c’est bon aussi pour la syphilo avancée, […] où j’en étais, oui, au sublimé corrosif, et si tu continue, à la
neuvième sublimation, tu as la panacée mercurielle, c’est la porte ouverte de
la Gay science, l’Ars magna, que
permet de franchir le mercure des philosophes avec lequel, disait Nicolas
Flamel, la transmutation est un jeu d’enfant, une chose si simple qu’un femme
peut y arriver sans lâcher sa quenouille, au suivant ! »
Le
deuxième : « Comme me
paraissent loin ces jours, pourtant à peine un lustre, deux ans de moins que le
temps qu’il faut, dit-on, pour que se renouvellent toutes les cellules de
l’homme, où je bricolais pour un éditeur dont l’envie était de vendre autant de
guides du mystère qu’il se vend de guides touristiques ou gastronomiques, et
pour lequel, grâce à mes qualités de latiniste, je traduisais des passages de
vieux traités d’alchimie sortis des réserves de la Bibliothèque nationale. Mais
aujourd’hui comme chaque fois que je fais l’amour, s’impose à mon souvenir une
gravure du grimoire de Michael Maier, Atalanta fugiens, représentant un homme offrant un breuvage mystérieux à un couple
d’amants enlacés, avec cette légende conjuge fratrem cum sorore et propina
illis poculum amoris, uni le frère à la
sœur et offre-leur la coupe d’amour. »
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