Toujours
dans In girum qui est une référence
en la matière ; et plus particulièrement à propos d’une image, celle de la
tour Saint-Jacques que l’on aperçoit inscrite dans le triangle du Feu. Nous
avons fait remarquer que la tour Saint-Jacques y est opposée à la tour
Montparnasse comme à un double maléfique ; le commentaire qui accompagne l’image
dit : « Nous voulions tout
reconstruire, et eux aussi, mais dans des directions diamétralement opposées.
Ce qu’ils ont fait montre suffisamment, en négatif, notre projet. » Donnons,
à présent, quelques précisions sur cette tour Saint-Jacques qui éclaireront le
sujet.
Aux
angles supérieurs de la tour, encadrant une statue de saint Jacques qui les surplombe,
se trouve quatre statues : un lion, un bœuf ailé, un aigle et un ange, qui
représentent symboliquement les quatre évangélistes : « Celles que nous voyons aujourd’hui sont des
copies exécutées lors d’un précédent toilettage du monument au XIXe siècle,
à l’époque du percement de la rue de Rivoli. Les originaux dataient de la fin
du chantier de la tour (1523, donc). / […] / À chacun est dévolu une partie de l’espace parisien. Cependant leur
disposition actuelle n’est pas celle qui existait à l’origine. En effet, si l’on
en croit les gravures réalisées avant la restauration de 1854-1858, l’ange
devrait faire face au sud-est et se trouver à l’emplacement qu’occupe
actuellement le bœuf. L’aigle devrait regarder le nord-est et être placé où se
teint le lion. Le lion devrait être tourné vers le sud-ouest et se situer où se
trouve l’ange. C’est lors de la mise en place des copies que cette erreur a été
commise. Est-ce important ? Assurément, si l’on se plait à accorder une
valeur aux symboles et que l’on porte crédit aux canons de l’architecture
sacrée. Dans ce cas, en effet, ce défaut d’orientation signe une perversion de
la mission de protection de Paris confiée aux quatre évangélistes. »
Mais
revenons à l’alchimie : « Si l’on
en croit les alchimistes Fulcanelli et Eugène Canseliet, les évangélistes sont
aussi la représentation cryptée des principaux éléments du Grand Œuvre. […]
Les quatre évangélistes désignent […]
dans l’iconographie alchimique les quatre
éléments cardinaux qui sont les modalités initiales de la substance unique à
former. » Poursuivons. « Lors
de la campagne de fouilles effectuées au pied de la tour à l’époque de Napoléon
III, les terrassiers firent deux découvertes significatives. La première est
une pierre gravée, d’époque gallo-romaine, conservée aujourd’hui au musée
Carnavalet, qui représente un Hermès armé du caducée et coiffé du pétase (ce
même chapeau à large bords que porte le Bateleur, première lame du Tarot de Marseille
dont la courbure reproduit explicitement le signe traditionnel de l’infini). […]
De nombreux vestiges d’ateliers de ferronnerie
ont été retrouvés alentour. Comme l’anthropologue Mircea Eliade nous l’apprend,
l’art de la forge est l’ancêtre technique de celui des faiseurs d’or. Le
quartier, donc, était prédestiné aux mystères particuliers de l’alchimie […]. »
N’oublions
pas que lorsque Debord quitta avec ses compagnons la rue du Four et Moineau — où il avait dû s’initier à la langue des oiseaux —, c’est pour
aller poser son bâton de pèlerin non loin de là, à la Montagne-(Sainte)-Geneviève, au Tonneau d’or, qui après
avoir abrité l’I.L. restera longtemps l’adresse de l’I.S. Revenons à Saint Jacques : « Frère aîné de Saint Jean, le rédacteur de l’Apocalypse, Saint Jacques
entama l'évangélisation de l’Ibérie (l’actuelle Espagne) avant de mourir
décapité à Jérusalem, sur l’ordre d’Hérode. La tradition veut que ses reliques
aient été amenées en Galice, sur les lieux de son principal apostolat. Les
alchimistes chrétiens ne l’ont pas choisi sans raison comme étant leur
protecteur. Sa légende, en effet, raconte qu’au IXe siècle, toute
trace de son tombeau ayant été perdue depuis longtemps, un paysan espagnol
avertit un jour son évêque que ses bœufs refusaient obstinément de labourer un
de ses champs. La nuit, des fleurs médicinales miraculeuses poussaient là et,
au-dessus d’elles, on pouvait voir briller une étoile d’un superbe éclat.
L’évêque ordonna des fouilles. On découvrit un cercueil de marbre contenant un
corps intact qui fut reconnue comme étant celui de l’apôtre. Une église fut
aussitôt bâtie sur ce lieu qui fut désormais connu comme Campus stellae : Compostelle, le champ de l’étoile… /
Pour les alchimistes, l’allégorie est
parlante. Elle décrit l’une des phases les plus importantes de leur travail,
celle au cours de laquelle apparaît, sur la matière préparée (autrement
dénommée compost), une étoile (stella), signe de l’obtention du Mercure
philosophique […]. »*
« Notre vie est un voyage – Dans l’hiver et
dans la nuit… »** « Le pèlerinage
vers ce sanctuaire était l’un des plus populaire au Moyen Âge et l’église de la
Boucherie [dont la tour Saint-Jacques est le dernier vestige] en était le point de départ priviligié pour
le nord de la France. […] Ils
[les pèlerins] empruntaient la partie sud
du grand cardo et quittaient vraiment la ville au niveau d’une autre église,
celle de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, derrière la Montagne-Sainte-Geneviève.
Durant la nuit et pendant le parcours, les pèlerins se guidaient sur la Voie
lactée, connue depuis sous le nom de Chemin de Saint Jacques, car sa dernière
étoile montre le chemin de Compostelle »
_____________________
*
Toutes les citations — sauf celle d’In
girum et de Sur le passage — sont
tirées du livre de Philippe Cavalier : Une
Promenade magique dans Paris, Éditions Anne carrière.
**
Sur le passage de quelques personnes à
travers une assez courte unité de temps.
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