J’ai
trouvé le dernier roman de Yannick Haenel plutôt intéressant. J’en ai lu un
autre depuis : Évoluer parmi les
avalanches, qui n’est pas mal non plus. Les
Renards pâles, le dernier donc, est sous influence nettement tiqquniste,
malgré la référence debordo-situationniste du début. L’autre est crypto-debordien
— le nom de Debord n’est pas prononcé mais on remarque sa présence.
Cela
m’a incité à aller voir du côté de la Ligne
de risque sur laquelle Yannick Haenel évolue avec quelques autres. Et j’ai
pu constater qu’il n’est pas toujours en bonne compagnie. Je ne parle pas ici
de Sollers qui édite la revue et en profite pour se faire mousser. Je citerais
d’abord quelques-uns de ses collaborateurs. Au sommaire du numéro 22, on trouve
un inédit du très triste Michel Houellebecq. Le numéro 16 accueille le
pop-philosophe Medhi Belhaj Kacem — qui a fleureté un temps avec les
tiqqunistes — que l’on trouvait déjà dans le numéro 15 ; qui est
décidément riche puisqu’il propose aussi un entretien (de loin) avec le très
prolifique Maurice G. Dantec ; et un autre avec le très télégénique
Raphaël Endhoven. Le sollerso-debordien Stéphane Zagdanski apparaît quant à lui
dans le numéro 19 et de nouveau dans le numéro 14 pour un entretien ; dans
ce même numéro on retrouve le polygraphe-qui-a-cessé-d’écrire : Marc-Édouard
Nabe — ça fait quand même beaucoup.
Quant
à Sollers, il est partout. Mais c’est normal parce qu’il est à la fois le Grand
Ancien et le (Saint) Patron de la Boutique. Il paraît que tous ces jeunes gens
s’entendent très bien avec lui. Dans un entretien, François Meyronnis, l’un des
cofondateurs de Ligne de risque, à la
question : « Est-ce que cela vous gêne, le rapprochement avec
Sollers ? » répond : « Aucunement. C’est un jeune homme. Je
l’envisage comme un jeune homme. » Plus loin, il ajoute (sans rire ;
mais l’ironie n’est pas exclue) : « Il est d’une autre génération. Il
a une notoriété qu’on pourrait dire “antéspectaculaire” : il a choisi de
sur-apparaître dans les médias pour mieux s’en prémunir. Chacun peut être libre
de dire s’il y arrive ou pas. Il se trouve, et c’est extraordinaire dans son
cas, que tous les gens qui s’accommodent à la sauce média sont dissous par les
médias. Et pas lui, parce qu’il continue à penser. Et c’est ça qui nous
intéresse. Il a toujours un rapport avec la pensée, et chaque livraison de Ligne de risque peut en attester. Si on
sait lire, on peut vérifier. »
Un
autre des animateurs de la revue, Frédéric Badré, écrit (très sérieusement) :
« Pour les uns, nous sommes les valets de Sollers. Pour les autres, ses
épigones légitimes. Sollers fait partie du complot Ligne de risque, moment lui-même de la conspiration qui va des
Orphiques à Dada ; des mystiques taoïstes à l’I.S. ; des maitres de
la Kabbale à Tel Quel. » Get the picture ? Ce qui nous amène
tout droit au numéro de février 2009 intitulé : La Sagesse qui vient : « De quoi s’agit-il ? D’un
retour sur les gnostiques. Avec trois entretiens : La Sagesse du gnostique, entretien avec Sandrick Le Maguer ; Sagesse de la résurrection, entretien
avec Christian Jambet (sur Mullâ Sadrâ et le chiisme iranien) ; La Connaissance comme Salut, entretien
avec Philippe Sollers. » (On voit que ça ne rigole pas.)
Sur
le blog de Ligne de risque (réservé
aux abonnés : « Nous sommes toujours entre nous. »), on trouve
les réflexions suivantes, concernant les rapports entre Ligne de risque et Tiqqun :
« “C’est une revue qui à un moment donné, dans un désert complet, a fait
une proposition radicale, altière, étrange, et en ce sens tout à fait
admirable.” Explique François Meyronnis, coanimateur de la revue “Ligne de
risque”. Lui-même se souvient d’avoir été convoqué une fois avec le romancier
Yannick Haenel à une réunion des Tiqqun dans un bar en face de
Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Le contact passe mal entre Coupat et Meyronnis.
Trouvant puéril d’aller voir le film “Fight Club” en bande, ainsi que les
Tiqqun l’envisageaient ce soir-là, ce dernier se voit sèchement accusé
d’“appartenir à un régime ancien de la liberté. » Suivent quelques considérations
sur les « liens » entre le Comité
invisible tiqquniste et Ligne de
risque : « Il faut savoir […] que ce “Comité invisible” partage
avec celui de Ligne de risque le même
horizon de références, tracé par ces deux grands repères : Debord, Heidegger.
Mais encore que ce “Comité invisible” est lié à Tiqqun […] ; que parmi les
références de Tiqqun se trouve, justement, la Kabbale, et en particulier un
courant de la Kabbale qui s’est développé au XVIIIe siècle, d’orientation
messianique […]. »
Voilà.
J’espère que le lecteur y voit maintenant plus clair.
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