lundi 23 septembre 2013

Lectures – Haute époque / 2



Haute époque, roman à clefs, donc. Il était question d’Allia qui avait publié le premier livre de Jean-Yves Lacroix. On va croiser Gérard Berréby à plusieurs reprises dans le second. Voici un premier extrait. Un éditeur rend visite au libraire : « C’était un éditeur, un nerveux qui comptait Raoul Hausmann et Guy Debord au nombre de ses auteur maison. Il voulait voir mes fonds, il m’a appris quantité de choses. Je ne sais pas s’ils sont tous comme ça dans la profession, mais celui-là avait la manie de faire écrire un livre aux gens qu’il rencontrait pour la première fois. Je n’ai pu faire moins que promettre une traduction. » Suit un passage où il est question de Khayyam (allusion au Cure-dent, premier livre de Lacroix) ; plus loin, une autre, sur la traduction qu’il a faite de Bartleby pour Allia. On retrouve l’éditeur à une autre occasion. Cette fois, il reçoit le narrateur à dîner chez lui, en compagnie de Gianfranco Sanguinetti qui l’arnaque en lui faisant acheter des « esquisses sans intérêt ». Extrait : « Le lendemain, j’apprenais que j’avais fini en compissant les murs de mon hôte, la rage sans doute d’avoir signé. Felipe [l’“ami” qui l’accompagnait et l’a incité à signer] répétait souvent que, dans la vie, on compte deux catégories d’hommes, et deux seulement : les cons et les salauds. Je venais de comprendre la distribution des rôles. »

Que dire de ce roman ? C’est un petit livre assez roublard (pas mal ficelé et bien emballé) truffé d’allusions plus ou moins transparentes et d’affabulations évidentes. Comme, au début, la rencontre improbable avec Guy Debord dans la cellule de dégrisement d’un commissariat, un jour après sa mort. Si le personnage central du livre est bien Debord dont il fait un portrait assez irrévérencieux, l’auteur affabule aussi longuement sur Raoul Vaneigem qui n’est pas mieux traité. Mais celle qui est particulièrement visée ici c’est Alice. Nous sortons alors du roman proprement dit. En effet, si l’on en croit L’Express, les révélations qui sont faites sur les dessous de la vente des archives de Debord à la BNF après qu’en aient été prélevé certaines pièces vendues à des particuliers, relèveraient du témoignage puisque c’est le libraire Jean-Yves Lacroix lui-même qui s’en serait chargé : « Jean-Yves Lacroix laisse entendre que quelques pièces – en particulier les maquettes des Mémoires et deux autres manuscrits – avaient été vendues auparavant à des collectionneurs privés par Alice Debord, la veuve du théoricien situationniste. Jean-Yves Lacroix a confirmé à L’Express avoir lui-même joué les intermédiaires pour ces trois transactions, avant de devoir céder la place, à contrecœur, la place à un autre expert. »

Debord est présenté comme un vieil ivrogne roublard plus intéressé par la bamboche et la gaudriole que par autre chose. Les jugements les plus sévères le concernant son rendus par l’ami du narrateur, Felipe, quand celui-ci reste généralement plus modéré. Il exerce la profession de libraire de livres anciens ; et il n’a commencé à s’intéresser à Debord qu’après la rencontre du commissariat de police. À la suite de cette « rencontre aux enfers », Debord va se rappeler à lui une première fois par l’intermédiaire d’un chauffeur de taxi qui avait déjà chargé Debord et va lui apprendre son suicide. Puis, il va retrouver Debord dans la correspondance de Raoul Hausmann lors d’une visite à sa veuve qui souhaite vendre des documents dada. Il va rencontrer différentes personnes qui ont croisé le révolutionnaire situationniste à une époque où la révolution était encore d’actualité. Par l’intermédiaire de l’un d’entre eux, un anarchiste toulousain, il va se retrouver propriétaire d’une boite contenant différentes reliques situationnistes. Une autre personne va lui permettre d’acquérir d’autres documents, dont un exemplaire des Mémoires.

(À suivre)

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