Haute époque, roman à clefs,
donc. Il était question d’Allia qui avait publié le premier livre de Jean-Yves
Lacroix. On va croiser Gérard Berréby à plusieurs reprises dans le second.
Voici un premier extrait. Un éditeur rend visite au libraire : « C’était
un éditeur, un nerveux qui comptait Raoul Hausmann et Guy Debord au nombre de
ses auteur maison. Il voulait voir mes fonds, il m’a appris quantité de choses.
Je ne sais pas s’ils sont tous comme ça dans la profession, mais celui-là avait
la manie de faire écrire un livre aux gens qu’il rencontrait pour la première
fois. Je n’ai pu faire moins que promettre une traduction. » Suit un
passage où il est question de Khayyam (allusion au Cure-dent, premier livre de Lacroix) ; plus loin, une autre, sur la traduction qu’il a faite de Bartleby pour Allia. On retrouve
l’éditeur à une autre occasion. Cette fois, il reçoit le narrateur à dîner chez
lui, en compagnie de Gianfranco Sanguinetti qui l’arnaque en lui faisant
acheter des « esquisses sans intérêt ». Extrait : « Le
lendemain, j’apprenais que j’avais fini en compissant les murs de mon hôte, la
rage sans doute d’avoir signé. Felipe [l’“ami” qui l’accompagnait et l’a incité
à signer] répétait souvent que, dans la vie, on compte deux catégories
d’hommes, et deux seulement : les cons et les salauds. Je venais de
comprendre la distribution des rôles. »
Que
dire de ce roman ? C’est un petit livre assez roublard (pas mal ficelé et
bien emballé) truffé d’allusions plus ou moins transparentes et d’affabulations
évidentes. Comme, au début, la rencontre improbable avec Guy Debord dans la
cellule de dégrisement d’un commissariat, un jour après sa mort. Si le
personnage central du livre est bien Debord dont il fait un portrait assez irrévérencieux,
l’auteur affabule aussi longuement sur Raoul Vaneigem qui n’est pas mieux
traité. Mais celle qui est particulièrement visée ici c’est Alice. Nous sortons
alors du roman proprement dit. En effet, si l’on en croit L’Express, les révélations qui sont faites sur les dessous de la
vente des archives de Debord à la BNF après qu’en aient été prélevé certaines
pièces vendues à des particuliers, relèveraient du témoignage puisque c’est le
libraire Jean-Yves Lacroix lui-même qui s’en serait chargé :
« Jean-Yves Lacroix laisse entendre que quelques pièces – en particulier
les maquettes des Mémoires et deux
autres manuscrits – avaient été vendues auparavant à des collectionneurs privés
par Alice Debord, la veuve du théoricien situationniste. Jean-Yves Lacroix a
confirmé à L’Express avoir lui-même
joué les intermédiaires pour ces trois transactions, avant de devoir céder la
place, à contrecœur, la place à un autre expert. »
Debord
est présenté comme un vieil ivrogne roublard plus intéressé par la bamboche et
la gaudriole que par autre chose. Les jugements les plus sévères le concernant
son rendus par l’ami du narrateur, Felipe, quand celui-ci reste généralement plus
modéré. Il exerce la profession de libraire de livres anciens ; et il n’a
commencé à s’intéresser à Debord qu’après la rencontre du commissariat de
police. À la suite de cette « rencontre aux enfers », Debord va se rappeler
à lui une première fois par l’intermédiaire d’un chauffeur de taxi qui avait
déjà chargé Debord et va lui apprendre son suicide. Puis, il va retrouver
Debord dans la correspondance de Raoul Hausmann lors d’une visite à sa veuve
qui souhaite vendre des documents dada. Il va rencontrer différentes personnes qui
ont croisé le révolutionnaire situationniste à une époque où la révolution
était encore d’actualité. Par l’intermédiaire de l’un d’entre eux, un
anarchiste toulousain, il va se retrouver propriétaire d’une boite contenant
différentes reliques situationnistes. Une autre personne va lui permettre d’acquérir
d’autres documents, dont un exemplaire des Mémoires.
(À
suivre)
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