Revenons
sur la Ligne de risque. Plus particulièrement
sur Yannick Haenel qui est sur tous les fronts en cette rentrée littéraire. Il
a les honneurs du Monde et de Libération avec, dans chacun, un article
(élogieux) consacré à son dernier livre et un entretien ; de la télévision
avec La grande librairie. (Cela nous
aura permis d’apprendre qu’il se « ressource » en Alsace et qu’il vit
en Italie.) Il participe aux rencontres de La
Bibliothèque Idéale de Strasbourg dont l’intitulé est tout un programme :
Libre et rebelle. Parmi ces rebelles
en liberté, citons en outre : Julia Kristeva qui nous invite à Oser l’humanité aujourd’hui ; Laure
Adler qui [a] besoin de vivre dans le risque ;
André Comte-Sponville qui vient déballer Sa
bibliothèque philosophique idéale ; et Raphaël Enthoven. En ce qui concerne
Yannick Haenel, il dissertera de Ce que
peut la littérature quand la vie se brise en compagnie de Jean Hatzfeld et
Pascal Manoukian.
Autant
dire que pour Yannick Haenel la Ligne de
risque s’est transformée en ligne de chance — si l’on peut dire. Il est
bien normal qu’il en profite. Cependant, cela n’est pas sans poser quelques questions
quant à la ligne générale dont se revendique ces rebelles. La principale étant
pourquoi et comment continuer à revendiquer le patronage de Sollers — c’est peut-être
un « vieux rebelle » qui a su rester jeune comme l’affirme François
Meyronnis ; mais c’est surtout un vieux cabotin qui n’est plus à une
pantalonnade prêt. (Yannick Heanel aurait dû écouter Louis-René des Forêts qui
lui disait qu’il perdait son temps en lisant Tel Quel.) Évidemment il est tout à fait confortable, même pour des
rebelles, d’avoir un éditeur qui publie votre revue et vos livres sans mégoter.
Et puis Debord lui-même qui s’auto-éditait avant Lebovici et Gallimard n’avait-il
pas des mécènes qui le finançaient lui et l’I.S. ?. Alors, pourquoi faire
la fine bouche ? Surtout quand on est engagé dans une entreprise
littéraire « explosive » et que l’on rencontre un éditeur qui n’a pas
peur de la « dynamite ». Voilà ce que dit Yannick Haenel à ce propos :
« Je pense effectivement qu’il n’y a rien à attendre des gens du milieu
littéraire. On n’en a d’ailleurs jamais rien attendu, et on avait choisi
délibérément François [Meyronnis] et moi, d’aller voir la seul personne qui
nous semblait vivante : Philippe Sollers. À cause de Tel Quel, nous pensions que la force insurrectionnelle qu’il avait
eue en lui et qui l’avait amené à être le dernier moment des avant-gardes dans
la littérature française, prouvait qu’il y avait encore quelque chose à faire
avec quelqu’un comme lui. […] Mais à part lui, j’avoue fuir comme la peste ces
gens-là, qui jouissent de leur propre ruine, évoluent dans les décombres et me
répugnent. »
Voilà
qui a le mérite d’être clair. Mais ils ont certainement tort de mettre Philippe
Sollers « à part » Encore en effort et ils pourraient perdre un
éditeur (envahissant) et gagner la liberté. C’est tout le mal qu’on leurs
souhaite.
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