Cénotaphe pour un corps disparu
Jusqu’en novembre 1954, la tombe de Marx s’élevait
dans une modeste allée latérale du cimetière de Highgate à Londres. À cette
date, elle fut transférée près d’une large avenue pour y attendre, en une
parfaite clandestinité, l’érection d’un monument de granit à la mesure de l’hôte
qu’il devait accueillir. En 1956, le monument désormais officiellement
inauguré, offrait un spectacle pharaonique : un buste de belle envergure
sur un socle de granit haut de quelque cinq mètres, la tête, dix fois grandeur
nature, dominant le paysage au-dessus des murs du cimetière. L’initiative de
cette violation de sépulture, perpétrée à l’instigation d’un « Marx
Memorial Committee », revenait évidemment à Staline, brûlant de s’emparer
de la dépouille du prétendu fondateur, dont seuls pouvaient disposer, selon la
loi britannique , les descendants de la famille, en l’occurrence l’aîné des
Longuet, Jean (SFIO). Celui-ci s’opposa à ce trafic de sépulture, mais, après
sa mort, un autre Longuet, devenu communiste, intervint auprès du ministère de
l’Intérieur britannique pour faire aboutir l’entreprise. La momie de Lénine
avait ainsi son répondant, juste représentation que les membres des partis
communistes se faisaient du théoricien du communisme. / Nulle protestation, et
pour cause, ne s’éleva alors du rang des « marxistes » habitués de
longue date à célébrer la figure du Fondateur, « chef de l’Internationale »,
imprimée par leurs soins dans les plis du saint suaire et retouchée au gré des
événements. Parfait symbole du sort posthume de l’œuvre d’un auteur qui, après
avoir été selon ses propres paroles « l’homme le plus calomnié et le plus
menacé de Londres » au lendemain de la Commune de Paris, a dû subir l’injure,
plus grave encore, d’être transformé en icône par des partis se réclamant de
son nom au mépris de sa pensée.
Ces lignes sont extraites de la Postface de Louis
Janover à : Marx et les nouveaux
phagocytes, de Maximilien Rubel, Éditions du Sandre. En ce qui concerne
Debord, on lira avec profit : Tombeaux
de Guy Debord de Jean-marie Apostolidès, Champ / Flammarion.
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