lundi 30 juillet 2012

Lectures – Vivre et penser comme des porcs (encore)



Extrait :

Tu bouges ou tu crèves ! Les plus audacieux des socio-politistes ont même osé comparer le Grand Alambic de la société tertiaire des services à une immense autoroute. Mais c’est surtout l’inverse qui est vrai : pas d’autoroute, pas de Grand Alambic ! / C’est qu’il faut beaucoup de place, de sacrifice, d’énergie, de mutilation et de cadavres pour que l’« homme moyen » devienne automobile et se prenne pour un nomade. C’est pourquoi toutes les administrations qui se prétendaient fidèles à la voix de la modernité, de l’administration Pompidou, qui voulait « adapter la ville à l’automobile », à l’administration Mitterrand, friande d’autoroutes et de transports routiers — se sont toujours voulues les vestales zélées de la bagnole, de l’homme moyen à roulette censé incarner le « dynamisme » de la société civile. Ainsi toute autoroute est-elle d’abord une autoroute sociale, et ce qu’il faut appeler le pétro-nomadisme de la bagnole tourne souvent au pétainisme à roulettes : l’automobile c’est d’abord le travail, la famille et la bêtise montés sur pneus.

Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs, folio actuel.

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