Extrait :
Tu bouges ou tu crèves ! Les plus
audacieux des socio-politistes ont même osé comparer le Grand Alambic de la
société tertiaire des services à une immense autoroute. Mais c’est surtout l’inverse
qui est vrai : pas d’autoroute, pas de Grand Alambic ! / C’est qu’il
faut beaucoup de place, de sacrifice, d’énergie, de mutilation et de cadavres
pour que l’« homme moyen » devienne automobile et se prenne pour un nomade. C’est pourquoi toutes les
administrations qui se prétendaient fidèles à la voix de la modernité, de l’administration
Pompidou, qui voulait « adapter la ville à l’automobile », à l’administration
Mitterrand, friande d’autoroutes et de transports routiers — se sont toujours
voulues les vestales zélées de la bagnole, de l’homme moyen à roulette censé incarner le « dynamisme »
de la société civile. Ainsi toute autoroute est-elle d’abord une autoroute
sociale, et ce qu’il faut appeler le pétro-nomadisme
de la bagnole tourne souvent au pétainisme
à roulettes : l’automobile c’est d’abord le travail, la famille et la
bêtise montés sur pneus.
Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs, folio actuel.
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