Il faut s’arrêter sur un autre film, il
s’agit d’Orphée de Cocteau dont
Debord utilise plusieurs extraits : « Les gens de Saint-Germain-des-Prés à la terrasse d’un café, et à
l’intérieur : air de guitare, conversation. » pendant que la voix off prononce : « Ceux qui
s’étaient rassemblés là paraissaient avoir pris pour seul principe d’action,
d’entrée de jeu et publiquement le secret que le Vieux de la Montagne ne
transmit, dit-on, qu’à sa dernière heure au plus fidèle lieutenant de ses
fanatiques : “Rien n’est vrai ; tout est permis.” » — Plusieurs
lettristes, dont Jean-Louis Brau, y font de la figuration, on y voit aussi « l’homme
de main » : Ghislain de Marbaix. — ; une descente de
police : « Deux cars de police
s’arrêtent devant la terrasse d’un “Café de Poètes”. Des policiers y courent,
interdisent à tous d’en sortir, exigent de voir leurs papiers d’identité. »
Un troisième extrait de ce film est à considérer particulièrement :
« Une actrice résume la discussion,
dans un autre film : “Les uns croient qu’il pense à nous, d’autres qu’il
nous pense ; d’autres qu’il dort et que nous sommes son rêve, son mauvais
rêve.” » Il sert à illustrer ce que Debord dit juste avant :
« Ils s’interrogeait aussi sur l’échec de quelques révolutions ; ils
se demandaient si le prolétariat existe vraiment et dans ce cas ce qu’il
pourrait bien être. » Dans le film de Cocteau Maria Casarès, qui prononce
cette réplique face à Orphée, est une figure de la Mort. Il s’engage entre Orphée
et celle-ci le dialogue suivant : « – Tu es toute puissante. / – À
vos yeux. Chez nous il y a d’innombrables figures de la Mort ; des jeunes,
des vieilles qui reçoivent des ordres. / […] /– Et si tu désobéissais à ces
ordre ? / […] / J’irai jusqu’à celui qui donne ces ordres. / – Mon pauvre
amour il n’habite nulle part. » Suit la réplique détournée par
Debord ; on se rend compte que si on la rapporte directement à l’existence
du prolétariat, elle perd singulièrement de sa force et que la signification est donc à chercher ailleurs — pour
ne pas dire au delà.
Poursuivons sur la séquence consacrée à
Paris. En dehors des films précédemment cités, elle est illustrée par des vue
aériennes. C’est une constante du film de Debord que cette mise à distance par
un « cool observer »,
délivré de la pesanteur de l’ici-bas, qui peut de ce fait avoir cette vision
panoramique et panoptique sur le monde qu’il a quitté.
(À suivre)
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