J’ai parlé d’une « navigation
circulaire » du « Vaisseau des Morts » sur la lagune de Venise qui
débouche, pour finir, sur cette « grande étendue d’eau vide » ;
c’est-à-dire qu’à aucun moment celui-ci ne traverse la ville par le Grand
Canal. La seule séquence où l’on voit une embarcation pénétrer par un
« très étroit canal » au cœur même de la ville, ne provient pas des
images que Debord à fait tourner pour les besoins de son film ; elle est
tirée du film de De Bosio : IlTerrorista.
Les deux autres « villes phares »
dans In girum sont, au premier
titre : Paris ; puis : Florence. Commençons donc par Paris où
Debord débuta sa carrière de « mauvais garçon ». Toute l’évocation de
cette période cruciale dans le film
est placée sous le signe de la « l’intraitable pègre » : le sel de la terre — la deuxième lecture suggère
ainsi une reconversion en terre. On constate
que nombre des extraits choisis par Debord se veulent les illustrations des
mœurs de ce milieu particulier. Le film de Carné et Prévert : Les Enfants du Paradis est mis à
contribution à plusieurs reprises : « Quelques plans de la foule sur le Boulevard du Crime, reconstitué pour
“Les Enfants du paradis”. » ; « Lacenaire dit à quelques propriétaires : “Il faut de tout pour
faire un monde, ou pour le défaire.” Ceux-ci répondent : “Ce n’est qu’un
mot, mais amusant.” – “Très amusant.” – “Vraiment.” » ; « Au bacon d’un théâtre, la foule indignée
scande : “Le rideau !” » — Il faut s’arrêter sur cette scène
parce que Debord en inverse le sens :
il s’agit dans le film de Carné d’une foule populaire de spectateurs qui
manifeste pour que le spectacle se poursuive ; Debord, lui, fait référence
à l’accueil reçu par Hurlements en faveur
de Sade. — ; une longue scène entre Garance et Lacenaire : « Lacenaire dit à Garance : “Je ne suis
pas cruel, je suis logique ; depuis longtemps j’ai déclaré la guerre à la
société.” […] “Quand j’étais enfant,
j’étais déjà plus lucide, plus intelligent que les autres. Ils ne me l’ont pas
pardonné. Belle jeunesse vraiment ! […].” » ; une longue séquence dans un bouge : « Un voleur vient à la table d’un expert pour
lui faire estimer un objet. “C’est du jonc ou c’est de l’osier ?” L’expert
s’adresse ensuite à son voisin, nouveau venu en ce lieu : “Qu’est-ce que t’en
dit, l’artiste ? Tu dis rien ? T’es un sage. Faut jamais rien dire.” […] »
— Il faut noter que « l’expert » est quelqu’un qui simulait la cécité :
un faux aveugle ; il faut remarquer aussi les termes d’« artiste »
et de « sage » employés par « l’expert ». — ; la même
séquence se poursuit, Lacenaire arrive « avec sa fine équipe » et Garance,
ils s’installent à une table, on apporte à boire : « Garance demande :
“En somme, si je comprend bien, tous autant que vous êtes, vous êtes des
philosophes ?” Lacenaire dit : “Pourquoi pas ?” Garance s’écrie :
“Ah ben ! Elle est gaie, elle est jolie, elle est propre la philosophie !” »
— il faut noter les termes de « philosophes » et de « philosophie »
qui est qualifiée de « gaie » par Garance.
(À suivre)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire