Je retrouve ce vieux texte, du temps du Debord Off
Posted by contradictor on September 11, 2000
In Reply to: Négation de l’économie posted by Voyer on September 08, 2000
Mais le marché, lui, existe [ Quel rapport avec la prétendue économie? Le marché est un pur phénomène de communication. C’est même un très bon exemple de communication. ]
Ce n’est pas l’économie politique qui a détrôné la religion, mais le commerce, [ Je ne dis rien d’autre. Je l’ai écrit et publié il y a 25 ans. ] et il avait commencé à le faire bien avant que l’économie politique n’existe. [ je ne dis rien d’autre. Je l’ai écrit et publié il y a 25 ans. ] Ce n’est pas l’économie qui a pris la place de Dieu, mais l’argent. [ L’argent, qui est un rapport social, n’a pas pris la place de Dieu, qui ‘est l’objet d’une croyance, il a pris la place d’autres rapports sociaux, plus précisément le moment de la reconnaissance dans ces rapports sociaux. Dieu n’est d’ailleurs pas une croyance mais l’objet d’une croyance. L’argent n’est ni une croyance ni l’objet d’une croyance. Il ne peut donc pas prendre la place d’une croyance ni celle de l’objet d’une croyance. Mais l’économie qui est non pas une croyance mais l’objet d’une croyance (exactement comme Dieu) a pris la place de Dieu dans la propagande. Et la propagande a remplacé la religion. L’économie tient, dans la propagande, la place que Dieu tenait dans la religion. Avec le développement du commerce au cours des deux derniers siècles, la propagande s’est privatisée, elle est elle-même devenue un acte de commerce et non plus un acte des bureaux du roi de Prusse, acte que Marx attaqua spirituellement au début de sa carrière. Le spectacle dont parle Debord n’est rien d’autre que la propagande privatisée, la propagande devenue acte de commerce, rentable et bonne fille contrairement au roi de Prusse, à sa censure et sa police. ]
L’argent est une croyance. [ L’argent n’est pas une croyance, c’est, comme le dit Marx, un rapport social ] Ou comme disent les prudes économistes: « une convention sociale ». Ce sont les hommes, ou du moins certains hommes qui ont fait l’argent, tout comme ce sont les hommes, ou du moins certains hommes qui ont fait Dieu (et l’origine des deux choses est aussi mystérieuse). [ Je ne dis rien d’autre et je l’ai déjà écrit et publié ] Et pourtant l’argent existe. [ Quelle surprise ! ] La croyance existe, et non pas comme une superstition quelconque que l’on serait libre d’adopter ou de rejeter, mais comme mode d’organisation sociale. [ Contradiction avec ce qui précède : si l’argent est un mode d’organisation sociale, ce que je pense aussi, comment peut-il être une croyance? Les croyances ne sont pas des modes d’organisation sociale même si elles jouent un rôle éminent dans les organisations sociales. Ce qu’est par contre une religion (étymologiquement d’ailleurs). Une religion est un mode d’organisation sociale, c’est pourquoi quelqu’un, qui au Moyen-Age vivait quasiment dans une religion ne pouvait pas ne pas y vivre, de même qu’un poisson qui vit dans l’eau ne peut pas ne pas y vivre. Pour que quelqu’un puisse prendre la liberté de vouloir vivre hors de la religion, il faut auparavant que la religion ait été attaquée, c’est à dire qu’un autre mode d’organisation sociale se soit développé dans le monde, le commerce par exemple et offre une alternative au poisson. ] Toute organisation sociale est fondée sur une croyance. [ Non. Les croyances jouent certes un rôle des les organisations sociales mais pas celui du fondement. Toutes les sociétés sont fondées sur l’apparence. ] L’idée d’une société fondée rationnellement et où chaque chose existerait selon son concept, cette idée est elle-même une croyance, [ Certes, mais c’est hors du sujet ] et pas la plus bandante. Je préfère encore Georges Bataille qui, pour en finir avec l’économie, appelait de ses vœux l’apparition d’un nouveau mythe. [ Certes, mais c’est hors du sujet ]
Les hommes du Moyen-Age n’étaient pas libres de croire ou de ne pas croire en Dieu. [ J’ai déjà répondu plus haut à ce point. Le fait de ne pas pouvoir ne pas croire en Dieu ne provient pas de la terrible puissance de Dieu, ou de la terrible puissance de la croyance en Dieu, mais de la terrible puissance de l’organisation sociale où a lieu cette croyance et qui nécessite cette croyance et où l’on honore l’objet de cette croyance. Pour que l’on puisse s’aviser de s’attaquer à la croyance et à l’objet de la croyance, il faut d’abord que l’organisation sociale ait été attaquée; c’est à dire qu’une autre organisation sociale ait commencé à s’implanter. La prétendue lutte de classe de Marx est certainement une de ses plus calamiteuses erreurs. Il n’y a jamais eu de lutte de classe que de classes dominantes. Même les hoplites furent priés d’être libre et de venir habiter à la ville pour y subir quotidiennement l’entraînement militaire et cela de la part de la classe dominante de l’époque. De même ce n’est qu’après des siècles de patiente implantation que le commerce et les commerçants ont pu taper du poing sur la table. Ils étaient déjà dominants quand ils s’avisèrent de le faire reconnaître partout et par quiconque en s’abritant allègrement derrière toutes sortes de belles illusions savamment entretenues, liberté, égalité, fraternité. ] « Je prie Dieu qu’il me fasse quitte de Dieu » (Eckhart). Dieu était au centre de la société qui, elle, existait, avec ses bûchers et ses inquisiteurs, mais aussi ses anabaptistes et grands mystiques. Un ethnologue qui étudie les sociétés dites primitives ne se soucie pas de savoir si l’esprit des ancêtres existe ou non, si c’est une "idée vraie" ou un "mensonge". Il se borne à constater que l’esprit des ancêtres est le pivot de l’activité sociale. [ Ce qui n’est pas le cas de l’économie ] Si Sade et Marx ont pu dire: "Dieu n’existe pas", ce n’est pas en vertu d’un subit progrès de l’intelligence humaine, mais simplement parce que le commerce étant désormais au centre de l’organisation sociale, Dieu n’existait plus que comme croyance particulière. [ Je ne dis rien d’autre. Marx dit à ce sujet, que dans la libre Amérique, contrairement à la Prusse, la religion est devenue une affaire privée, particulière. Pour que Dieu et la croyance en Dieu soient attaquées dans la pensée, il faut que la religion ait d’abord été attaquée dans le monde. Je l’ai écrit déjà dans mon Enquête, il y a 25 ans. Si Sade et Marx ont pu dire Dieu n’existe pas, c’est parce que le commerce et les commerçants avaient déjà attaqué, par leur pratique, non pas Dieu, non pas la croyance en Dieu, mais la société basée sur la religion, mais la pratique sociale qui nécessitait la religion ; et dans les faits, pas dans la pensée: une pratique sociale, le commerce a attaqué une autre pratique sociale dans le monde avant que l’on puisse l’attaquer dans la pensée. La théorie vient toujours après la bataille ou après la fête. ] D’ailleurs, Sade et Marx se sont empressés de remplacer la croyance "Dieu" par la croyance "nature" et la croyance "matière". [ Je ne dis rien d’autre. C’est la base de ma critique de Marx et de Debord. C’est pourquoi je m’appuie sur Hegel qui lui n’oublie pas le rôle des croyances. ] La culture a horreur du vide de croyance. [ Je ne dis rien d’autre ]
Aujourd’hui, je peux dire et répéter "l’argent est une croyance" sans pour autant être libre de m’en défaire. [ Ce qui est bien la preuve qu’il n’est pas une croyance ; mais un rapport social au même titre que la religion. Vous pouvez répéter des sottises à longueur de temps, vous n’en serez pas plus libre pour autant. Mais par contre, vous pouvez refuser d’obéir, quand vous voulez et même un peu trop tôt, comme Giordano Bruno. ] Et tous prient l’argent qu’il les fasse quitte de l’argent. [ Où avez vous vu ça : Pompidou des sous ! Tu parles Charles. Ah ! si les croyants avaient eu la même soif de Dieu que les mécréants d’aujourd’hui ont de soif d’argent. Ce qui est une preuve supplémentaire que l’argent n’est pas une croyance ou l’objet d’une croyance. Comment avoir soif de l’objet d’une croyance si l’on n’est pas Pascal ou Ignace de Loyola ? Tandis que le premier troufignon venu aujourd’hui a soif d’argent, comme ce jeune homme japonais dans le film Tampopo qui déclare s’être réveillé le matin avec "soif de corton-charlemagne" tandis que le rouge de la honte envahit le front de ses supérieurs qui ont commandé une sole arrosée de bière Heinneken. Et cela parce que, contrairement à Dieu, l’argent est la chose même. Comment l’objet d’une croyance, Dieu, pourrait-il rivaliser avec la chose même. C’est l’argent qui répond à Kant, ce n’est même pas Hegel. Et à Moïse ]
Cela dit, il y a des choses qui ont changé depuis 1978. Il n’est plus nécessaire aujourd’hui de démontrer que la « production » et la « satisfaction de besoins matériels » ne sont que des vues de l’esprit. [ Vous êtes pourtant la preuve vivante que si ! ] La dite « nouvelle économie » ne produit rien. [ La prétendue ancienne non plus, vous n’aviez pas remarqué ? Comment quelque chose qui n’existe pas pourrait-il produire la moindre chose ? Mais la croyance, et non pas l’objet de la croyance, produit, elle. Elle produit du bruit dans la tête, dans la vôtre notamment. ] Chacun sait que « produire des biens immatériels » veut dire: vendre du vent. [ bla bla sans intérêt ] Les vieilles justifications économistes sont devenues superflues. [ Ah oui ; à tel point qu’il en faut des nouvelles, et bientôt des nouvelles nouvelles etc. Agitez vous vos quatre petites mains comme le singe Minc ? ] La seule « loi » qui demeure est: se faire le maximum de fric le plus vite possible. [ Tiens Guizot n’a donc jamais prononcé le célèbre « Enrichissez-vous ». Quelle nouveauté ! Je constate que vous n’avez pas lu « Les petits Bourgeois » de Balzac ] Il n’est plus question de « lutter contre la pauvreté » ni de « répartir les richesses » mais, explicitement, de faire en sorte que ces salopards de pauvres restent à leur place. [ Bien fait. Tant mieux. ] Plus besoin de prêchi-prêcha utilitariste, [ Il y en a pourtant des tonnes qui sont déversées chaque jour ] mais le simple: « C’est comme ça et ça ne peut pas être autrement ». [ Bien fait. Tant mieux. ]
Du reste, on invoque de moins en moins « l’économie » mais « le marché ». [ C’est bien la preuve qu’on en arrive à la question cruciale de la communication. Les marchés, au pluriel, sont même pure communication. C’est ce qui leur est reproché par les vertueux. ] Tout ce qui arrive est en vertu ou à cause du marché. [ C’est à dire en vertu ou à cause de la communication ] Or le marché, lui, existe. [ Donc la communication existe ] Il n’existe même quasiment plus que lui. Et pourtant, le marché est aussi une croyance. [ Non. Je n’en dirais pas plus. ] Il a fallu quelques siècles et une forte dose de croyance [ Non. Devrais-je vous insulter ? C’est comme si Marx n’avait jamais écrit une ligne contre Feuerbach. ] pour que l’eau, l’air, la conversation, les cellules humaines deviennent des objets de commerce, [ donc des objets de la communication aliénée ] c’est à dire que le culte du marché s’impose contre les dernières réserves morales qui lui barraient encore la route. [ Nous nous éloignons du sujet. Ceci dit, bien fait, tant mieux. ] En 1944, Karl Polanyi écrivait avec un soulagement prématuré que « l’idée d’un marché s’ajustant lui-même était purement utopique » et n’aurait pu « exister de façon suivie sans détruire l’homme et sans transformer son milieu en désert ». Aujourd’hui l’utopie s’est pleinement réalisée [ Vous semblez ignorer l’énorme bureaucratisation étatique, non politique, au seul service du commerce, que nécessite le fonctionnement du « libre marché » ! L’Etat politique disparaît; mais pas l’Etat. De l’Etat il reste donc le pire. Voilà enfin une prédiction de Marx qui se vérifie. ] et il semble bien que les conséquences pressenties par Polanyi soient exactes. [ Quel rapport avec notre sujet qui est : « l’économie n’existe pas » ? Et de toute façon, bien fait, tant mieux. ]
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« Je retrouve ce vieux texte, du temps du Debord Off » ; on sent une certaine nostalgie dans ce : « vieux texte » retrouvé qui le ramène à un temps où on s’intéressait encore suffisamment à lui pour ferrailler sur le Debord off — puis le Debord(el) — avec le « maître d’arme des mots menteurs » ; mais ce temps-là n’est plus. Je suis encore l’un des rares à le faire parce que je pense qu’il le mérite ; mais pour lui le temps s’est figé : c’est toujours la même chanson qu’il remet. Alors : let’s play it again.
« Mais l’économie qui est non pas une croyance mais l’objet d’une croyance (exactement comme Dieu) a pris la place de Dieu dans la propagande. »
L’économie n’est ni une croyance ni l’objet d’une croyance : c’est une catégorie, un nom. De plus, l’économie ne peut pas avoir pris la place de Dieu ; puisqu’elle croit en Dieu : in god we trust, comme le proclame la propagande sur un célèbre billet vert — mais ce n’est justement que de la propagande : ça ne mange pas de pain. Et ce Dieu, c’est évidemment l’argent. L’économie comme catégorie désigne — nomme — un certain nombre de choses ; il convient donc de s‘attacher à la grammaire d’économie. Par exemple lorsqu’on dit : l’économie de la France, tout le monde comprend ce que cela veut dire : l’industrie, le commerce etc. de la France. Et quand on dit : ces sauvages vivent dans une économie de chasse et de pêche, aussi. Pourtant dans ce cas le terme d’économie peut être supprimé : ces sauvages vivent de chasse et de pêche ; mais ici l’emploi d’économie est idéologique : il est impropre et anachronique. C’est une catégorie qui excède son domaine et s’universalise abusivement.
Et c’est, évidemment quelque chose qu’il faut combattre.
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