In
girum
est un film testamentaire ; et là particularité de ce testament est qu’il
ne lègue rien — ce qui est somme
toute logique venant de celui se définissait comme un « docteur en rien ». Les exécuteurs
testamentaires de Debord ont donc raison de dire qu’ « [i]l n’y a pas de problème d’héritage
Debord » ; et qu’« il
n’ya rien à faire fructifier ». Mais ils peuvent difficilement faire
croire qu’il n’y avait rien non plus à « embellir » tant ils se sont employés à présenter de celui-ci un
portrait magnifié : une icône devant laquelle on ne peut que s’incliner.
Si Debord ne peut rien léguer c’est parce
qu’il a échoué dans son opération ;
il est resté prisonnier de la nigredo :
il n’a fait que tourner en rond dans la nuit — parce qu’il n’a pas pu régler le
régime du feu. Il s’est défini lui-même comme un stratège ; mais sa
stratégie n’était pas — plus — la bonne : il continuait à vouloir jouer aux
échecs alors qu’il aurait fallu opter pour un autre jeu : le go peut-être.
Une des métaphores favorites de Debord dans In
girum est celle du choc frontal de deux armées, qu’il se complait à montrer
à travers de longues séquences empruntés à différents films de guerre ; la
plus emblématique étant celle qui est tirée de La Charge de la brigade légère parce qu’elle exemplifie le
sacrifice héroïque d’une troupe d’élite identifiée à l’I.S. Cette option
stratégique est illustrée également par les images de son Kriegspiel qui ponctuent le déroulement du film.
Debord a sans doute perçu la contradiction dans
laquelle il s’était enfermé ; mais trop tard pour en sortir. II arrive un
moment où le joueur s’aperçoit qu’il n’est plus libre de ses coups parce qu’ils
lui sont désormais imposés par la configuration de la partie qu’il a lui-même
engagée mais dont il a perdu la maîtrise. La défaite est au bout du jeu. L’erreur du stratège Debord aura été de vouloir mener son
« étrange guerre » selon
des règles — Clausewitz — qui n’étaient plus adaptées à un monde qui changeait
et qu’il décrira plus tard comme celui du spectaculaire intégré sans pouvoir en
tirer les conséquences qui s’imposaient sur le plan stratégique — la citation de
Sun Tse en exergue des Commentaires sur
la société du spectacle, témoigne à la fois de la lucidité et de l’impuissance
de Debord face à la nouvelle situation.
(À suivre)
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