À
l’heure où commence à paraître un certains nombres d’ouvrages critiques* sur l’I.S., c’est-à-dire des
ouvrages qui se donnent la peine d’examiner scrupuleusement toutes les pièces disponibles et qui
essayent de recueillir le maximum de témoignages, de façon à pouvoir présenter
une vue d’ensemble de l’aventure
situationniste, plutôt qu’une hagiographie de l’unique Debord à laquelle celle-ci se réduirait, je voudrais revenir
sur une affaire qui, me semble-t-il, a été trop rapidement passée aux pertes et
profits : « l’affaire Anders ». Elle est symptomatique à plus
d’un titre : en premier lieu du « dernier Debord » ; mais
aussi de la « petite cours » dont il s’était entouré.
Faisons
un bref historique de l’affaire. Jean-Pierre Baudet, un de ses proches à
l’époque, soumet à Debord un « résumé
épuratoire » de L’Obsolescence
de l’homme, un livre de Günther Anders, qui n’a pas l’heur de lui plaire —
c’est le moins qu’on puisse dire. Et pour cause : le livre Anders anticipait
la théorie du spectacle telle que
Debord la développera plus tard dans La
Société du spectacle ; et celui-ci en avait eu connaissance avant de
rédiger le sien. Que l’on puisse mettre en doute qu’il soit l’inventeur du spectacle, c’était là quelque chose
qu’il ne pouvait tolérer ; il se débarrassa donc promptement de « l’insecte » sournois et malveillant
qui osait avancer dans cette direction.
En
l’occurrence, il faut quand même dire que Debord avait tort sur toute la ligne**.
Mais cette « affaire » n’est pas seulement révélatrice du comportement,
aberrant, du seul Debord, elle l’est aussi de celui de son entourage. Particulièrement
de Jean-François Martos ami de Baudet et fervent debordien : se trouvant
dans la situation de soutenir son « ami » Baudet — mais il fallait
pour cela s’opposer à Debord — ou de le désavouer, il ne balança pas
longtemps : il préféra perdre un « ami » (cher) plutôt qu’un
« maître » (prestigieux). Mais ce n’était que retarder
l’échéance : son tour n’allait pas tarder à venir.
Ainsi
allait la vie dans le « petit milieu » philo-situationniste inféodé à
Debord quoi qu'il arrive. Rappelons à l’occasion le jugement de Ralph Rumney à propos de Debord :
« […] il a fait autour de lui, avec
ses amis, une catastrophe […] ».
____________________
*
Rappelons le dernier en date : Patrick Marcolini, Le Mouvement situationniste, Une
histoire intellectuelle, L’échappée.
**
Le lecteur pourra se reporter à ce qu’en dit Voyer, avec sa modération
coutumière, sur son site : http://leuven.pagesperso-orange.fr/3378.htm#anders
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