Il faut insister sur le fait que Debord est
révolutionnaire par jeu. Ce qui s’accorde
à sa conception générale de la vie conçue comme un jeu*. Le « jeu de la
guerre » matérialisé par le Kriegspiel
qu’il a conçu n’est qu’une modélisation de ce « grand jeu » révolutionnaire.
Il est destiné à préparer des « coups » qui seront mis en œuvre sur un
plus vaste terrain. On peut citer quelques-uns de ces coups magistraux qui sont
restés dans les mémoires. Dans la deuxième phase, plus directement
« politique », du combat, le « coup de Strasbourg » — même
s’il est opportuniste** — contre l’université restera rétrospectivement l’un
des plus importants puisqu’il débouchera sur l’« assaut généralisé »
de mai 68 qui se révèlera cependant être un échec faute d’avoir été suivi d’un
« coup de Strasbourg des usines » qui eut été décisif — mais qui n’était
pas à la portée du seul Debord (ni de ses troupes qui étaient alors en pleine
débandade). Dans la première phase des opérations — celle qui était dirigée
contre l’art et la culture — il faut évidemment citer le « coup de
Bruxelles » contre les critiques d’arts ; même si sa réalisation a en
grande partie été laissée à l’initiative d’un authentique général*** belge qui a
dû improviser une attaque fort heureusement couronnée de succès.
La métaphore du jeu est constante chez Debord ;
et le jeu ne se conçoit chez lui que sur le mode conflictuel parce que le
confit est partout : « Le conflit est père de toutes choses. ». Dans
la première phase de l’I.S. l’activité situationniste sera définie en terme
militaire comme un « théâtre d’opérations » dans la culture ;
mais ce n’était là qu’un petit « théâtre », une « scène »
restreinte où faire ses armes — il s’élargira à la totalité de la société dans
la deuxième phase.
____________________
* Dés 1954, dans le n° 7 de Potlatch, il écrivait : « La construction de situations sera la
réalisation continue d’un grand jeu délibérément choisi […]. »
** Il a en effet été « apporté sur un
plateau » à Debord par des étudiants strasbourgeois qui ne faisaient pas
partie de l’I.S.
*** En fait, il ne l’est devenu que par la suite
mais il était quand élève officier de l’armée belge à l’époque.
(À suivre)
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