samedi 23 mars 2013

Le « grand jeu » de Guy Debord / 4



Il faut insister sur le fait que Debord est révolutionnaire par jeu. Ce qui s’accorde à sa conception générale de la vie conçue comme un jeu*. Le « jeu de la guerre » matérialisé par le Kriegspiel qu’il a conçu n’est qu’une modélisation de ce « grand jeu » révolutionnaire. Il est destiné à préparer des « coups » qui seront mis en œuvre sur un plus vaste terrain. On peut citer quelques-uns de ces coups magistraux qui sont restés dans les mémoires. Dans la deuxième phase, plus directement « politique », du combat, le « coup de Strasbourg » — même s’il est opportuniste** — contre l’université restera rétrospectivement l’un des plus importants puisqu’il débouchera sur l’« assaut généralisé » de mai 68 qui se révèlera cependant être un échec faute d’avoir été suivi d’un « coup de Strasbourg des usines » qui eut été décisif — mais qui n’était pas à la portée du seul Debord (ni de ses troupes qui étaient alors en pleine débandade). Dans la première phase des opérations — celle qui était dirigée contre l’art et la culture — il faut évidemment citer le « coup de Bruxelles » contre les critiques d’arts ; même si sa réalisation a en grande partie été laissée à l’initiative d’un authentique général*** belge qui a dû improviser une attaque fort heureusement couronnée de succès.

La métaphore du jeu est constante chez Debord ; et le jeu ne se conçoit chez lui que sur le mode conflictuel parce que le confit est partout : « Le conflit est père de toutes choses. ». Dans la première phase de l’I.S. l’activité situationniste sera définie en terme militaire comme un « théâtre d’opérations » dans la culture ; mais ce n’était là qu’un petit « théâtre », une « scène » restreinte où faire ses armes — il s’élargira à la totalité de la société dans la deuxième phase.

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* Dés 1954, dans le n° 7 de Potlatch, il écrivait : « La construction de situations sera la réalisation continue d’un grand jeu délibérément choisi […]. »

** Il a en effet été « apporté sur un plateau » à Debord par des étudiants strasbourgeois qui ne faisaient pas partie de l’I.S.

*** En fait, il ne l’est devenu que par la suite mais il était quand élève officier de l’armée belge à l’époque.

(À suivre)

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