Deux femmes tiendront ce (second) rôle auprès
de Debord : Michèle Bernstein et Alice Becker-Ho. (Il est à noter qu’il
n’y eut pas de hiatus entre le départ de la première et son remplacement par la
seconde.) Si l’on a bien retenu leurs noms, on à généralement minimisé l’importance
de la place qu’elles ont occupée et du rôle
qu’elles ont joué. À l’exception notable de Jean-Marie Apostolidès qui a
plus particulièrement étudié le cas de Michèle Bernstein à partir des deux
romans qu’elle a écrit et où elle se met en scène avec Debord à travers les
personnages de Geneviève et Gilles. Ces deux livres sont particulièrement intéressants
à lire de ce point de vue : en effet, sous l’habillage du roman, ils nous
font assister à la vie quotidienne du couple — cet aspect du « grand jeu »
qui n’est jamais évoquée si directement ailleurs. Apostolidès évoque la « légende »,
colportée par Greil Marcus*, selon laquelle Michèle Bernstein aurait écrit ces
deux livres à la demande de Debord pour renflouer les caisses de l’I.S. — ce
qui est difficilement crédible. Quoi qu’il en soit, ils ont été écrits avec l’accord
de Debord — peut-être à son instigation — pour une raison qui doit être liée au
jeu qu’ils jouaient tous les deux alors dans la vie ; et rapport avec le moment. Apostolidès note aussi que le
premier : Tous les chevaux du roi
« se subdivise en trois parties comme les Mémoires de Debord » — c’est donc qu’il y renvoie. La
référence y est clairement « l’univers du roman libertin du XVIIIe
siècle », particulièrement Les
Liaisons dangereuses. Il remarque aussi « qu’au moment de la fondation
de l’I.S., c’est moins la révolution politique que Debord a en vue que celle de
la vie quotidienne : “L’unique entreprise intéressante, c’est la libération
de la vie quotidienne, pas seulement dans les perspectives de l’histoire, mais
pour nous et tout de suite.” » — ce à quoi fait écho dans In Girum l’interrogation sur l’existence
du prolétariat et « ce qu’il pourrait bien être » au moment où va se
faire la « conversion » révolutionnaire pour la « bonne vielle
cause ».
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* Lipstick
traces, Une Histoire secrète du XXe
siècle, Allia, 1998 ; ouvrage particulièrement confusionniste par
ailleurs auquel, curieusement, Debord semble s’être intéressé — sans doute parce
qu’il allait dans le sens de « la légende ».
(À suivre)
Alice Becker-Ho publie un nouveau livre en mars 2014 : "Le premier ghetto ou l'exemplarité vénitienne" (Riveneuve éditions).
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