Je voudrais signaler à ceux qui l’ont connu
et fréquenté dans les années 70 — et aux autres aussi bien — la disparition du Café Gollem, Raamsteeg 4, Amsterdam. Ouvert
en 1974, il a servi sans désemparer quelques 200 sortes de bières de tous les
pays à ses clients fidèles et altérés pendant plus de 30 ans. Suite à de longs
démêlés administratifs, le Café Gollem a finalement été contraint de fermer ses portes.
La
nuit formidable descendait sur la ville comme il pénétrait dans Raamsteeg,
reléguant la lumière exténuée d’une journée trop prodigue dans le secret de sa
prison de pierre.
Dans
la vitrine éclairée du Café Gollem, les bouteilles alignées scintillaient
faiblement sous leur voile de poussière. Gilles poussa la porte et entra.
La
petite salle était restée telle que dans son souvenir, avec son bandeau de
tableaux noirs, juxtaposés à mi-hauteur de mur, qui déroulait un remarquable
panorama des bières de tous les pays. Au fond, quelques tables serrées sur une
estrade — particulièrement l’une d’entre elle d’où l’on pouvait, en tendant le
bras par dessus la rambarde, saisir sans avoir à se déplacer les consommations
que l’on avait commandées au garçon qui officiait derrière le bar, juste
au-dessous. C’est là qu’il s’assit, au même endroit, comme il l’avait fait bien
souvent. Il parcourut lentement le substantiel codex jusqu’à la rubrique
désirée : Bières Trappistes. Il marqua un temps d’arrêt, et il se mit à réciter
in petto la liste fameuse : Orval,
Westmalle, Westvleteren, Chimay, Rochefort. Apologie des pères trappistes.
C’est ainsi qu’ils appelaient leurs soirées au café Gollem, lorsque le grand jeu les ramenait pour un temps
à Amsterdam. C’était devenu une sorte de rite auquel ils ne manquaient pas de
sacrifier. Après une journée de déambulation plus ou moins fructueuse, venait
l’heure ; et chacun se disait : « Maintenant ! » ; et ils arrivaient
tous, en ordre dispersé ou bien ensemble ; et jamais personne ne manquait.
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