mercredi 30 novembre 2011

Lectures – Lettrisme

L’expérience du passé nous appris que seul les groupes créateurs restent dans l’histoire des domaines de la Culture et de la vie, grâce à leur apport de valeurs, nécessaires comme étapes de l’exploration des territoires de la beauté, de l’esprit et de la matière, comme tremplins de l’évolution vers un monde meilleur, sinon le cosmos, la société paradisiaque, et nous voyons ces groupes d’individus devenus des “personnalités”, des “génies” des tendances finalement considérées comme fondamentales (Monet, Degas, Renoir, Sisley, Cézanne, etc., constituant l’impressionnisme ; Verlaine, Rimbaud, Mallarmé, etc., constituant le symbolisme ; Tzara, Picabia, Marcel Duchamp, Ribemont-Dessaignes, etc., constituant dada ou le dadaïsme ; André Breton, Benjamin Péret, Max Ernst, Paul Eluard, Yves Tanguy, etc., constituant le surréalisme, etc.) se perpétuer au détriment de la masse de millions de réalisateurs de “talent”, d’un savoir-faire banalisé, épuisé, destinés à disparaître dans les poubelles de la mémoires.

Exactement comme toute peinture contemporaine ou postérieure à l’impressionnisme, qui ignore l’apport de ce dernier mouvement — l’émiettement de l’objet —, est superficielle et dénuée d’intérêt ; exactement comme toute poésie ou littérature contemporaine ou postérieure au symbolisme, qui ignore la densité du langage de ce dernier mouvement est superficielle ; de même, aujourd’hui, tout écrivain, tout artiste en général, venu en même temps ou après le lettrisme (l’hyper-créatisme ou l’hyper-novatisme) et qui n’a pas assimilé les révélatins fondamentales de ce mouvement, s’avère superficiel, incapable d’aller plus loin, de marquer ses domaines de manifestation d’un expression novatrice, réellement personnelle.

Ayant pour but le monde de bonheur total et infini, décidés à avancer jusqu’au cosmos édénique, les hyper-créatistes ou les hyper-novatistes (les lettristes) sont toujours à l’avant-garde, jusqu’à la société paradisiaque et au-delà.

Si notre mouvement représente la super-tradition, l’hyper-orthodoxie de l’invention ou de la découverte, décelée dès l’origine de l’univers ou de l’humanité et, pour la première fois dans l’histoire de la Connaissance et du quotidien, explicitée, structurée, épanouie, à travers notre méthode de réalisation multiplicatrice et nos apports inédits, dans tous les territoires de la Culture et de l’existence, les tendances venues après notre apparition sont définies, à nos yeux, comme des sous-hérésies rétrogrades, de même que l’école du “bon sens” de Ponsard, surgie après l’éclosion du romantisme, de même “l’école romane” de Moréas, exprimée avec vigueur avec Déroulède, surgie après l’éclosion du symbolisme, de même l’art de la dictature hitlérienne, la “poésie de la résistance” ou le jdanovisme, devenu succès à la mode après l’éclosion du surréalisme, manifestations destinées aux égouts des “faits divers” — même sensationnels pendant quelque temps —, aux archives poussiéreuses de la maculature de l’insignifiance.

Si nous pouvons effectuer quelques pas efficaces, souhaitables pour nos intérêts communs, nous sommes prêts à nous allier, honnêtement, avec tous les individus et tous les groupes, même arriérés ; mais nous ne considérons pas moins le mouvement hyper-créatiste ou hyper-novatiste (lettriste) comme l’association, la tendance, destinée à se perpétuer à jamais par ses apports originaux, nécessaires à l’évolution vers un monde meilleur, et nous nous voyons contraints de laisser ces individus ou ces groupes — provisoirement considérés comme alliés — s’écouler, se perdre, dans les poubelles de la mémoire.

Les membres du mouvement de l’avant-garde de l’avant-garde aiment la vie surtout à cause des domaines de la culture — de la théologie, de la science, de l’art, de la philosophie, de la technique — qu’elle contient, qui, au fond, la constituent et des joies et des plaisirs spirituels et matériels que ces domaines offrent à tos les êtres informés de leurs valeurs et de leurs biens. Les représentants du mouvement hyper-créatiste ou hyper-novatiste (lettriste) — fondé sur la kladologie*, pourvue de la méthode d’invention et découverte — réalisent des œuvres et savourent les délices de ce monde, tout en évoluant prudemment et sûrement, leur but étant de préserver leur existence le plus longtemps possible, afin d’avoir le temps d’employer au maximum cette méthode d’invention et de découverte dans la kladologie et d’atteindre l’éternité concrète, en construisant la société paradisiaque, sur notre terre, d’abord, puis la société paradisiaque du cosmos.

Publié dans Les apports de l’hyper-créatisme ou de l’hyper-novatisme (le lettrisme), le plus important mouvement culturel de tous les temps, dans les domaines de la Connaissance et de la vie (1970-1986), suivi de Œuvres du même auteur(1946-1987), de Isidore Isou, Editions EDA, Paris, 1987.

[Ce texte d’Isou constitue la conclusion du volume : Lettrisme, Vue d’ensemble sur quelques dépassements précis, Villa Tamaris Centre d’Art / La Nerthe.]

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* Si la création s'exprime concrètement dans l'ensemble des domaines culturels et vitaux, c'est la Kladologie (à partir du terme grec Klados = branche) ou la science intégrale des branches de l'esprit et de la matière, qui fixe les secteurs d'activité spirituelle et matérielle de ces branches, et qui définit les richesses que l'on peut attendre ou que l'on peut espérer, en évitant aux chercheurs et aux producteurs les illusions et les pertes de temps dialectiques.

lundi 28 novembre 2011

Sur deux extraits du Journal de galère d'Imre Kertész

1.
Dans son Journal de galère, Imre Kertész écrit : « La dépression est une impuissance, elle signifie se fondre dans la masse. » La dépression n’est une « impuissance » que dans la mesure où elle est une perte de la puissance — de l’énergie. Et cette perte d’énergie se traduit par un retour à la matière « inerte » — à la « masse », la materia prima d’où tout est issu et où tout retourne. C’est, au sens strict, un retour à la source : un ressourcement. Ainsi, si la dépression est une expérience terrible : une malédiction, la sortie de la dépression est une renaissance : une bénédiction.

2.
Et plus loin : « Goethe : le plus fantastique (il n’emploie pas ce mot-là, bien sûr), c’est quand on réussit à relier la fin de sa vie et son commencement. » La formule attribuée de Goethe se trouve chez le pseudo-Aristote : « Alcméon affirme que ce qui fait que les hommes meurent c’est qu’ils ne leur est pas possible de joindre le commencement et la fin. » ; c’est-à-dire : de boucler la boucle comme l'Ouroboros, figure de l’Œuvre.

3.
Mais n’est-ce pas cette circulation même de l’énergie que produit la dépression ? Une sorte d’inspir et expir par lesquels s’anéantit et se recrée le monde — le petit comme le grand, ewig. Bien sûr, il faut compter avec l’usure des étants : « La vie brûle de se répandre et les êtres sont consumés. ». Mais l’Être est éternel, sphérique et immuable comme le veut l’Éléate ; ou pour le dire à la manière de l’Obscur : tout passe sauf le passage.






Lectures – Han-Fei-tse ou Le Tao du Prince


Dangers des discours

Mon verbe est agréable et facile, mes périodes s’enlacent en tresses lustrées : on me reproche de sacrifier la forme au fond. Je me montre franc, honnête, mes mots sont frappés au coin de la droiture : on n’y verra que des propos incohérents et étriqués. Ma phrase ronfle, je multiplie les circonlocutions, j’use de paraboles et de comparaisons : ce n’est qu’un assemblage de formules creuses. J’opte pour un style dépouillé, je vais droit à l’essentiel : on me trouve tranchant. Je mets le doigt sur les petits travers des grands, je dévoile leurs arrière-pensées : on me taxe de médisance. J’expose de vastes desseins, je déroule des plans si lointains que nul ne peut les sonder : c’est de la hâblerie. J’entre dans le détail, je fais des comptes d’apothicaire et me voilà mesquin. Je sacrifie à la mode, je cherche à ne choquer personne : basses flagorneries dictées par la peur de la mort. Mes opinions tranchent sur celles du vulgaire, je m’élève au-dessus des contingences de mon époque : je suis un charlatan. J’ai de la verve, mes arguments frappent, mon style chatoie : littérature ! dit-on. Je néglige les artifices littéraires ; je m’attache au concret : je suis un rustre. J’ai à la bouche des citations classiques, je prends l’antiquité pour modèle : je suis un perroquet. […]

[…]

La Voie du Maître

Le Principe est dans l’invisible,
L’Usage dans l’imprévisible.
Vide est calme, il est sans affaire.
Caché, il démasque les tares.
Il voit sans être vu.
Entend sans être entendu,
Il connaît sans être deviné. Il comprend où les discours veulent le mener ;
Ne bouge ni ne mue,
Il examine et il confronte ;
Chacun est à sa place.
Il ne communique pas ;
Tout est en ordre.
Il masque ses traces,
Il brouille ses pistes ;
Nul ne remonte à lui.
Il bannit l’intelligence ;
Abandonne tout talent ;
Il est hors de portée de ses sujets.

Je cache mes visées,
J’examine et je confronte.
Je les tiens bien par les poignées ; je les étreins solidement.
Je les empêche d’espérer ;
Je supprime jusqu’au désir.
[…]
Si profond qu’on ne peut le sonder,
Si vaste qu’on ne peut le mesurer,
Il fait coïncider les noms et les formes.

[…]

Charades extérieures, I, I

Ni Yu était un sophiste du Song particulièrement habile ; il avait réussi à clore le bec à tous les philosophes de l’académie Ki-hsia du Ts’i en démontrant qu’un cheval blanc n’est pas un cheval. Lorsque monté sur son cheval blanc, il voulu passer la frontière, force lui fut d’acquitter au douanier les droits sur les chevaux. / Tant qu’il reste sur le plan du discours, un rhéteur peut triompher de tout un pays ; sitôt qu’il se trouve confronté à l’épreuve du réel, il ne trompe plus personne.


Han-Fei-tse ou Le Tao du Prince, Point Sagesses, Éditions de Seuil.

dimanche 27 novembre 2011

Petit dictionnaire de citations à l’usage des jeunes générations – Extrait 43

CADUCITÉ

Rien chez les hommes ne reste stable : tout passe ; et le poète de Chios a exprimé une très belle pensée en disant : « Les générations des hommes sont comme celles des feuilles. » Combien peu, après avoir entendu ces paroles, en ont gardé le souvenir ! Chacun de nous est plein de ces espérances dont le germe est dans le cœur de la jeunesse. Tant qu'un homme a cette fleur charmante du jeune âge, son imagination s'exalte, il rêve d'interminables projets ; car il n'a aucune appréhension de la vieillesse, de la mort ; tant qu'il est en santé, il ne pense guère à la maladie. Insensés, ceux qui sont dans cette disposition d'esprit, et qui ne savent pas combien le temps de la jeunesse et de la vie est de courte durée pour les mortels. Mais toi qui sais tout cela, jusqu'à la fin de tes jours n'hésite pas à gratifier ton âme de tous les plaisirs honnêtes.

Stobée, Florilegium.

samedi 26 novembre 2011

Petit dictionnaire de citations à l’usage des jeunes générations – Extrait 42


PSYCHANALYSE

Psychanalyse, c’est une maladie mentale qui se prend pour sa thérapie.

On ne balaie devant un seuil de conscience étranger que si c’est crasseux chez soi.

À coquin, psychologue et demi.
 

Karl Kraus, La nuit venue.

vendredi 25 novembre 2011

Addendum à : De la révolution aux révoltes

On reconnaîtra aussi chez Ellul, dans l’analyse qu’il fait de la jeunesse moderne, l’influence du Soulèvement de la jeunesse d’Isou et de sa catégorie de l’« externalité ». Il est inutile de rappeler ici tout ce que Debord doit lui aussi à Isou.

Lectures – De la révolution aux révoltes

Le prolétariat / […] un homme aussi lucide que Debord ne peut s’empêcher de conserver cette conviction [le caractère révolutionnaire de la classe ouvrière]. D’un côté, il voit bien que le « prolétariat des pays industriels a complètement perdu l’affirmation de sa perspective autonome et ses illusions… » mais il conserve de façon très dogmatique une attitude de croyant : « Le prolétariat n’est pas supprimé, il demeure irréductiblement existant dans l’aliénation intensifiée du capitalisme moderne : il est l’immense majorité des travailleurs qui ont perdu tout pouvoir sur l’emploi de leur vie… […] » mais quand le prolétariat découvre que son travail renforce nécessairement la société capitaliste, il découvre qu’il est alors la classe ennemie : « Il porte alors la révolution qui ne peut rien laisser à l’extérieur d’elle-même. » […] Ainsi, Debord gardant la définition du prolétariat comme condition ne peut éviter de voir ce prolétariat sous les espèces de la classe ouvrière (augmentée d’ailleurs d’annexes…) et reste convaincu que la prise conscience d’une situation philosophiquement inacceptable produira la conscience révolutionnaire. […]

Maintenir les formules d’interprétation de lutte de classes et de prolétariat révolutionnaire, c’est fonctionner avec des mythes, construire une révolution purement idéelle, faire naître un espoir sans fondement. Dans un article trop peu remarqué, Caillois démontrait que c’est cela [l’assimilation totale du prolétariat par la société technicienne] qu’on peut maintenant considérer comme la véritable révolution, mais cachée, de ce temps. Les ouvriers n’ont pas cherchés en mai 1968 à donner à l’émeute des dimensions ou une allure subversive, alors que cela leur était si facile ! Les forces ouvrières ont au contraire profité des circonstances avec circonspection pour en tirer avantage, s’inscrivant comme partie prenante dans une société « où elles avaient lentement cessé de se sentir une sorte de rebut misérable et humilié ». La classe ouvrière ne cherche plus l’aventure d’une révolution même quand elle l’a à portée de la main. « Mai 1968… il n’est pas exagéré de conjecturer que cette date pourrait être retenue comme celle de la fin quasi officielle de la lutte des classes en France, et son remplacement par une coexistence pacifique, concurrentielle qui n’exclut pas la lutte pour le pouvoir et d’âpres conflits mais qui les situe désormais dans le cadre des institutions en vigueur. » la vraie révolution, au sens de mutation fondamentales des structures de la société, au sens de restructuration profonde, d’établissement de nouveaux clivages par effacements des anciens, est cette assimilation progressive de la classe ouvrière. […] / Toutefois, plein de bonne volonté, des marxistes essaient sans cesse de refaire la toile déchirée, de recoudre les morceaux, de chercher de nouvelles formes en gardant les anciennes significations. Partant d’un texte de Marx sur la tendance constante de la frange inférieure des classes moyennes à se prolétariser, ils voient apparaître, claire comme le soleil, une nouvelle classe ouvrière, le vrai prolétariat, porteur en soi de la révolution. […]

La jeunesse en tant que force révolutionnaire / Au cours de ces dernières années, point un nouvel espoir : la vrai catégorie révolutionnaire de notre société, c’est la jeunesse. Elle exprime une division de notre société beaucoup plus profonde et radicale que celle des anciennes classes. Elle est formée d’exclus ; les jeunes sont en marge. Ils sont vraiment aliénés, les plus dépossédés de tous les hommes, n’ayant aucune fonction, modelés par un enseignement qui les prépare à entrer dans cette société avec une conscience oblitérée, réifiée par les objets de cette société, incapables d’agir… Oui, certes, prolétariat nouveau ; cela était déjà remarquablement analysé dans la brochure des situationnistes de Strasbourg sur la condition étudiante (1966). / Assurément, les jeunes ne pourraient pas eux-mêmes faire la révolution, mais ils en seraient le « détonateur », l’impulsion serait donnée par cette classe d’âge moins intégrée dans cette société. […] / Il faut donc déchiffrer cette éventualité d’une révolution menée par la jeunesse. […] / Il [le jeune] n’est rien par rapport à la production. On le prépare seulement à y entrer. […] Par contre, il est un consommateur. Et un gros consommateur (ne serait-ce que du fait de son nombre). Et c’est parce qu’il n’est que ce consommateur qu’il retient principalement dans ses objections, refus, contestations, ce caractère-là de la société : dans la révolte étudiante, la haine contre la « société de consommation » provient justement de cette condition de consommateur […].

[…] Le jeune appartient à une société qui n’a plus de valeurs communes, qui n’offre plus de sens, qui est globalement érotisée, qui n’a plus de groupes intermédiaires. Dans les sociétés traditionnelles, la croyance à des valeurs communes et l’existence de groupes intermédiaires permettent le passage sans trop de difficultés d’une situation à une autre, d’une période de la vie à une autre. Ces possibilités d’intégration spirituelle et fonctionnelles sont réservées à plusieurs niveaux. La perte de ces éléments rend l’intégration normale du jeune dans le corps social extrêmement aléatoire. Jamais probablement ne s’était opérée la rencontre entre ces deux parts : absence de passage rapide et clair de l’état d’enfant à celui d’adulte, absence de normes et de valeurs à proposer à ceux qui entrent dans la société. / […] on a beaucoup répété en 1968 que les jeunes cherchaient un Maître. De fait, ils cherchaient celui qui donne un sens à leur situation, à leur aventure. Mais ils ne veulent plus d’un Maître de déception, comme Sartre : le nihilisme au moins présente à leurs yeux la saveur de l’absolu. […]

Mais ce que nous venons en somme de définir, c’est la révolte. Une condition spécifique, un vide, un intolérable, un être qui ne peut accepter son destin. Ce n’est pas la révolution qui est en marche avec cette jeunesse, car il y manque la prise de conscience effective, la doctrine, le projet révolutionnaire, l’unité du corps social révolté contre la société globale, l’organisation… Passera-t-on de l’un à l’autre ? Rien ne permet de le dire ou de le croire. Car cette révolte devant une société en face de qui on a peur n’est vécue quand même qu’en fonction de cette société. […]

Nous en arrivons donc à la conclusion que la jeunesse qui est bien une force explosive, qui a raison sans doute de dresser ses refus en face de la rigueur d’une société d’autant plus organisée qu’elle manque davantage de valeurs, d’autant plus moralisatrice qu’elle a moins de vertus, d’autant plus impérative qu’elle a moins de sens, cette jeunesse n’en est elle-même ni une valeur, ni l’ouverture, le commencement, l’avant-garde, le détonateur d’une révolution. Il y faudrait bien autre chose. Cette jeunesse est fondamentalement malheureuse et pauvre, dans l’afflux de ses consommations possibles. Et cela suffit bien.


Jacques Ellul, De la révolution aux révoltes, La Table Ronde. (Première éditions : 1972.)


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Note.

Ellul fut, on le sait, un temps proche des situationnistes et de Debord en particulier qui lui écrit, le 3 juillet 1962 : «  Cher ami, / Il ne saurait être question de vous faire payer la revue [I.S.]. Vous êtes sur notre liste de service de presse. / Par contre, j’aimerais beaucoup recevoir le livre que vous m’annonciez [Propagandes]. Peut-être n’est-il pas déjà envoyé ? Ou bien est-ce encore un crime de ma concierge ? / J’essaierai de venir à votre réunion en septembre. Mais je ne pourrai donner une réponse certaine que plus près de ce moment. / Bien cordialement. » Le 15 décembre de la même année, il écrit à Françoise Lung de la revue Notes critiques : « […] Mes “échanges” avec Ellul, c’est un bien grand mot. Ellul est passé me voir à Paris. Il approuve, disait-il, l’I.S., qu’il connaît assez bien, à deux nuances près dont l’une concerne les blousons noirs, et l’autre n’est rien moins que la foi chrétienne. C’est évidemment assez étonnant. Ensuite, il m’a envoyé son livre Propagandes, qui est très remarquable ([…]. Il ne manque à ce livre que la reconnaissance d’une force quelconque qui puisse constituer une alternative avec l’évolution décrite). Les choses en sont là et je crois comprendre qu’Ellul est pour quelque chose dans cette présence chrétienne dans le groupe N.C. […] »